Pandora Papers

Cet article sur les Pandora Papers peut être utile sur de nombreux sujets d’oraux en ESH, comme : « À quoi sert l’impôt » (oral ESCP 2015), « Mondialisation et fiscalité » (oral HEC 2016), « Fiscalité et cohésion sociale » (oral ESCP 2016), « La France est-elle un paradis fiscal ? » (oral HEC 2018), « Compétitivité des territoires et stratégies de localisation des firmes multinationales » (oral ESCP 2016). Il peut aussi être utile pour des sujets d’écrit, comme : « Le capitalisme est-il soutenable ? » (HEC 2020), « Peut-on parler d’un apprentissage des politiques économiques de la part des gouvernements depuis le début du XXᵉ siècle ? » (HEC 2009) ou « La mondialisation peut-elle expliquer les mauvaises performances économiques et sociales des pays ? » (ESCP 2016).

Ce scandale est également mobilisable en anglais dans un essai ou à l’oral et fera sortir ta prestation du lot.

Les Pandora Papers, un scandale qui ne fait que confirmer le caractère généralisé des dérives du système fiscal mondial

L’affaire des « Pandora Papers » s’inscrit dans une liste ininterrompue de scandales d’évasion fiscale : « LuxLeaks » en 2014, « Panama Papers » en 2016, « Paradise Papers » en 2017 et « OpenLux » en 2021, pour n’en citer que quelques-uns.

Le scandale des « Pandora Papers » montre que certaines grandes fortunes continuent d’échapper à l’impôt. Il a éclaté à l’issue d’une enquête collaborative menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux. Ces révélations sont issues d’une fuite de 12 millions de documents confidentiels, provenant des archives de quatorze cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore dans des paradis fiscaux (Émirats arabes unis, Singapour, les îles Vierges britanniques…).

Les « Pandora Papers » rappellent que des grandes fortunes parviennent à éviter les impôts sur leurs biens immobiliers en les transformant en titres financiers qu’ils domicilient offshore. C’est notamment le cas des époux Blair et de leur demeure à sept millions d’euros à Londres (400 000 euros de droits de mutation évités). Tony Blair qui lui-même déclarait lors de la campagne le menant à la tête du Parti travailliste en 1994 : « Nous devons contrer les abus du système fiscal. »

Dès lors, comment faire avancer la lutte contre l’évasion fiscale quand certains décideurs politiques sont eux-mêmes concernés par cette pratique ? On ne peut que penser au cas de Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre et patron du FMI, également épinglé dans ce scandale.

Avec les « Pandora Papers », il apparaît que Mossack Fonseca, le cabinet au cœur du scandale des « Panama Papers », était loin d’être un cas isolé. Certains cabinets n’ont d’ailleurs pas hésité à prendre le relais de leur concurrent du Panama, qui a depuis dû cesser ses activités, en récupérant son portefeuille de sociétés offshore.

Certes, sous la pression de l’opinion publique, il apparaît incontestable que des progrès ont été accomplis au cours de la dernière décennie

Le secret bancaire a été levé dans l’UE en 2017. Depuis 2019, l’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires est devenu la norme internationale. Cet échange consiste à tenir au courant les services fiscaux dès lors qu’un de leurs ressortissants détient des actifs financiers dans un autre pays. En 2018, les Bahamas adoptent une loi antiblanchiment, contraignant les sociétés et certains trusts à déclarer leurs propriétaires réels.

Le Panama a également entrepris ces dernières années de nombreuses réformes pour renforcer le contrôle bancaire, comme échanger des informations avec l’OCDE ou punir d’emprisonnement l’évasion fiscale.

La lutte contre l’évasion fiscale a aussi connu des progrès majeurs en France. Ainsi, le 11 juillet 2019, le Parlement français adopte une taxe à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires dépassant les 750 millions d’euros, dont plus de 25 millions en France. Pour reprendre les mots de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, cette loi vise à « rétablir de l’équité fiscale entre les grandes entreprises du numérique et les autres entreprises », car en manipulant les prix de transfert, les « géants du numérique payent en moyenne 14 % d’impôt de moins que les petites et moyennes entreprises européennes ».

Mais, dans le même temps, de nouveaux paradis fiscaux prennent le relais de ceux qui, contraints à la transparence, renforcent leur arsenal législatif.

Mais l’évasion fiscale perdure à cause d’une course effrénée au moins-disant en matière de transparence (« race to the bottom »)

Les États-Unis vont parvenir à s’imposer comme le dernier paradis fiscal du monde : comment les États-Unis bénéficient des « Panama Papers », puis des « Pandora Papers »

Les deux scandales ont failli à révéler la présence de paradis fiscaux américains. Nombreux sont tentés de penser que le scandale des « Pandora Papers » représente une avancée majeure dans la lutte contre les paradis fiscaux. Or, il est davantage probable qu’il s’agisse d’une victoire des États-Unis contre les paradis fiscaux en concurrence avec leurs propres paradis comme les « tax shelters » du Delaware ou du Dakota du Sud.

Les « Pandora Papers » mènent à deux constats déroutants au sujet des États-Unis. Premièrement, ce scandale aide le pays à devenir le premier paradis fiscal du monde, puisqu’il apparaît clair qu’aucun paradis fiscal, hormis les États-Unis, n’est capable de garder les secrets de ses clients. Second constat : ces révélations concernent des célébrités du monde entier (allant de DSK au roi de Jordanie), mais aucune n’est Américaine. Déjà lors du scandale des « Panama Papers », il semblait peu plausible que de puissantes personnalités du monde entier se soient rencontrées dans les couloirs du cabinet Mossack Fonseca, mais qu’aucune ne soit Américaine.

Néanmoins, l’affaire des « Pandora Papers » nous apprend que des centaines de millions de dollars ont quitté les paradis fiscaux des Caraïbes et d’Europe vers le Dakota du Sud. Cela s’explique par le fait que les paradis fiscaux américains refusent tout échange automatique de renseignements et ne participent qu’à une coopération très limitée en ce qui concerne l’échange de renseignements sur demande.

La norme CRS

La grande ironie de la situation réside dans le fait que ce sont les États-Unis qui ont lancé l’offensive contre le secret bancaire ainsi que la campagne pour les échanges obligatoires de renseignements dans le domaine fiscal. En 2014, tous les États de l’OCDE ont adopté la norme « CRS » (Common Reporting Standard), une obligation d’échange automatique de renseignements, à l’exception des États-Unis, pourtant à l’origine le principal défenseur de cette norme.

Ce refus des États-Unis est pour le moins problématique. En effet, le CRS incite les contribuables des quatre coins du monde à transférer leurs avoirs dans les institutions financières des États-Unis, alors même que cette norme devait contribuer à la lutte contre l’évasion fiscale internationale. Seuls les États-Unis échappent à l’échange de renseignements imposé par le CRS.

L’ONG Tax Justice Network publie tous les deux ans une liste des paradis fiscaux classés par leur attractivité. Les États-Unis, après avoir été classés 6ᵉ en 2013 et 2ᵉ en 2018, obtiennent aujourd’hui la première place grâce à une politique de lutte contre les paradis fiscaux à l’étranger, tout en protégeant les leurs en toute impunité.

Finalement, il est à craindre que les scandales successifs de « Papers » ne mènent pas à plus de transparence fiscale. On peut s’attendre à l’avenir à une fuite importante de capitaux qui, plutôt que d’opter pour des centres financiers non américains, notamment européens, se réfugieront aux États-Unis. C’est bien le seul pays à bientôt conserver le secret bancaire absolu, et ce, à l’abri des journalistes du monde entier. Alors, à quand les « Dakota Papers » ?

Conclusion

Face à la posture ambivalente des États-Unis en matière de lutte contre l’évasion fiscale, il convient de faire appel à l’ancien juge Renaud Van Ruymbeke, qui, dans ses Mémoires d’un juge trop indépendant (2021), rappelait : « La lutte contre les paradis fiscaux, pour être efficace, ne peut être que mondiale. »