C’est bien souvent l’épreuve qui fait passer d’un côté ou de l’autre de la barre d’admissibilité : l’ESH. Elle en a fait pleurer certains, ceux-là même qui se demandent encore aujourd’hui « Pourquoi ce 6 nom de Dieu ?! » comme elle a permis à d’autres d’accrocher des écoles complètement inespérées. Elle requière un grand nombre d’aptitudes et une quantité importante de travail au préalable, donc autant s’y préparer au mieux. Toutefois, au delà du travail en amont – qui a déjà été évoqué dans deux précédents articles – c’est aussi en grande partie l’attitude que tu adopteras le jour J devant ta copie qui déterminera le résultat final. Tâchons humblement de dévoiler le chemin qui mènera à ta gloire éternelle.

I) L’introduction

Sûrement l’étape la plus importante de la copie, puisqu’elle donne au correcteur une première impression sur la dissert qu’il lit, et souvent cette impression se confirme. Réussir son intro, c’est avant tout réussir à montrer en quoi le sujet présente un intérêt, et donc donner envie au lecteur de lire la suite. Au lycée on t’a sûrement appris un modèle type d’introduction du genre : accroche + définition des termes du sujet + problématique + plan. Il faut à tout prix se méfier de ce schéma, du moins ne pas le suivre aveuglément. Tu dois cependant en comprendre la logique pour pouvoir l’adapter à chaque sujet.

Chaque intitulé fait toujours référence, de près ou de loin, à l’actualité, mais également à des débats théoriques et à des faits historiques, que ces éléments soient mentionnés explicitement ou non. Une bonne accroche (chiffre, citation ou fait historique) montre d’emblée au correcteur que tu sais où tu te situes et vers où s’orientera ta réflexion. Pour qu’il puisse définitivement s’en assurer, il faut que tu mettes en lien cette accroche avec le sujet (sinon elle ne sert à rien, et tu ne fais que recracher le schéma enseigné au lycée). Si l’accroche est bien choisie et s’inscrit dans le fil directeur de ta dissert (voir II) tu t’en apercevras vite car le lien se fera naturellement. Sinon, cherche une autre accroche.

Une fois que tu as mis en relation ton accroche avec le sujet, c’est le moment d’en définir les termes. Inutile de mettre tout de suite des exemples ou de mentionner l’équivocité d’une notion, il est plus pertinent de le faire plus tard dans l’intro. L’idée, c’est d’aboutir à un questionnement plus ciblé sur le sujet grâce à ces définitions (c’est à peu près le même principe qu’en philo). Le sujet tel qu’il est formulé invite à être creusé, il ne peut pas être traité en l’état. Les définitions vont servir à justifier une première approche du sujet (la première partie #Thèse), sans elles on ne peut pas argumenter. C’est à ce moment là que tu pourras – devras – utiliser des exemples/contre-exemples ou une autre définition d’un terme pour basculer vers un nouveau point de vue (la deuxième partie #Antithèse).

Là c’est le drame, il faudra pas hésiter à le montrer franchement. C’est là qu’il faudra probablement placer un gros « cependant ». C’est là qu’on a une vraie « problématique ». Une problématique ce n’est pas une question, ce n’est pas une reformulation du sujet. C’est le moment où tu ne fais plus semblant d’être naïf. Cette aporie te permet d’affirmer qu’il manquait quelque chose à ta réflexion initiale, et qu’il faut se poser la question en d’autres termes, en justifiant bien pourquoi. Il est très important de passer par cette étape : cela montre que le problème est complexe, et que tu as su l’envisager sous différents aspects. Il n’y a rien de pire qu’un candidat qui traite un sujet sous un seul aspect (cf les différents rapports de jury) car dans cette optique là il n’y a rien d’intéressant à en dire. Savoir aborder plusieurs facettes d’un sujet implique beaucoup de travail au préalable, on ne peut pas l’improviser le jour J.

A ce moment là tu as le choix, tu peux reprendre l’intitulé du sujet ou non s’il est formulé sous forme de question, tu peux aussi le reformuler, quelque soit sa forme. Ce qui est important, c’est qu’au point où tu en es, tout s’enchaîne bien dans ton intro et que tu sentes que le lecteur a envie d’en lire plus, parce que l’enchaînement de tes idées et de tes phrases montre que tu parles de quelque chose de complexe et que tu seras en mesure, lors de ton raisonnement, de proposer des pistes intéressantes. Ensuite annonce de plan classique, 2 ou 3 parties, comme tu le sens. Surtout ne pas se forcer à en faire 3. Si tu sens que la 3ème est en trop, supprime la.

II) L’importance de la rédaction et de la réflexion personnelle … 

Ce qu’il faut toujours avoir en tête quand on fait une dissert : ce n’est pas un ni oui ni non. N’importe qui est capable de prendre un sujet, de peser le pour le contre et de dire à la fin « un peu oui et un peu non ». Ça t’a rapporté un 18 au bac de SES, au concours ça tient pas la route. Le sujet, qu’il soit ou non formulé à l’interrogative, t’invite à te poser une question à laquelle il faudra répondre. C’est là qu’interviennent les nuances : on ne te demande ni une réponse hyper tranchée, ni ton avis. Il s’agit de poursuivre dans la lignée de ton intro où tu avais mis en évidence le problème. Chacune de tes parties auront pour fondement un cadre bien précis (choix de telle ou telle définition, de telle ou telle époque etc.) et devront aboutir à des conclusions différentes – mais pas contradictoires ! A ce titre, il est très important de comprendre que les théories sont là pour appuyer tes propos et aller dans ton sens, elles ne doivent surtout pas tomber comme un cheveu sur la soupe. Il doit y avoir une vraie continuité dans ta copie pour qu’elle fasse sens aux yeux du correcteur.

Un élément déterminant de la notation au concours est trop souvent négligé par les étudiants, car trop souvent négligé par leurs professeurs : la qualité de la langue. Qu’on se comprenne : il ne s’agit pas de faire des phrases magnifiquement tournée avec un vocabulaire hyper recherché. Toujours dans la même optique, il faut donner envie au correcteur de lire. Évidemment la première chose à faire, c’est de surveiller son orthographe. Certains correcteurs n’en ont rien à foutre, mais la majorité d’entre eux partent se servir un gros verre de hard pour oublier cette triste erreur d’accord ou ce malheureux oubli d’accent qu’un candidat distrait aura commis. Afin d’éviter ce genre de méfait – qui nuira tant à ta note qu’à la santé mentale de ton correcteur – il est indispensable déjà de se relire, inutile de faire un speech là dessus, mais surtout d’arriver en connaissant toutes les erreurs d’orthographe, de grammaire et de syntaxe à ne pas commettre (les profs de culture G sont en général heureux de pouvoir aider là dessus).

S’il est important de se relire pour checker les fautes d’orthographe, il est au moins aussi important de le faire pour éliminer tout ce qui fait tâche dans une copie : répétition à outrance d’un mot dans un paragraphe voire dans une phrase, utilisation excessive de connecteurs, d’adverbes. Personne n’est à l’abri de ce genre de maladresses, dans le feu de l’action elles apparaissent très vite et contrairement à ce qu’on peut penser, elles sont loin d’être anodines. Elles peuvent énerver le correcteur et lui donner l’impression (inconsciente) que le candidat ne sait pas de quoi il parle. Avoir un plan en tête, aussi pertinent soit-il, et savoir comment on le mettra en place dans sa copie ne sert à rien si on ne l’expose pas clairement. Comme pour l’orthographe, écrire de façon claire ne se fait pas que pendant la relecture, c’est aussi un travail de longue haleine qui suppose de lire régulièrement. La lecture permet en effet de se familiariser avec certaines tournures de phrase, d’acquérir du vocabulaire et comprendre comment construire des paragraphes cohérents, indispensables à la rédaction d’une bonne dissert. Le correcteur ne sera jamais indifférent au fait que la copie est bien rédigée, mais parallèlement il reste nécessaire que le contenu soit à la hauteur.

III) … Accompagné par la théorie économique

Alors sur ce point il y a deux écoles. La première école te dira que ce qui prime dans une dissertation sera de faire une argumentation plutôt personnelle qui à la fin illustrera ton point de vue, et la seconde école est celle qui dit que concrètement, ce que tu penses, on s’en fiche un peu, et qu’il faut argumenter ta dissertation à la lumière de l’histoire économique et surtout à la lumière de la théorie …

Déconcertant me direz vous, mais la vérité, c’est que les deux ne sont pas incompatibles, et sont même totalement complémentaires !

Alors oui, à la fin de la dissertation, tu dois prendre position. On ne le répétera jamais assez, mais une dissertation doit permettre de mettre en lumière votre réflexion sur un sujet à l’aide d’une problématique, et donc mathématiquement, à la fin, de prendre position (même si c’est en nuançant). Soyons clair, prendre position ne veut pas nécessairement dire qu’il faut conclure via un « Oui. » ou un « Non. », mais via un bilan de votre réflexion et d’éventuelles pistes d’ouvertures sur notre problématique. C’est d’ailleurs ce que disait Emannuel Combe (concepteur du sujet d’ESH à l’ESCP Europe) dans l’interview qu’il a publié sur Major Prépa.

Cela étant dit, tu n’es pas économiste, et tu DOIS t’appuyer sur la théorie économique pour illustrer et faire avancer ta réflexion. Et cela passera nécessairement par un apprentissage rigoureux des auteurs, de leurs pensées, de leurs ouvrages ainsi de suite. Notons qu’il n’y a pas un nombre « précis » d’auteurs à mettre dans une copie, certaines personnes n’en utiliseront que 4 ou 5,  d’autres une bonne vingtaine, et les deux profils peuvent potentiellement avoir 20. Autrement dit il n’y a pas de science exacte à ce sujet, ni de barème pré-définit pour vos correcteurs. Mais l’usage de ses références est néanmoins obligatoire et représente un gage de sérieux dans une copie.

Notons que chaque rapports de jury à l’ESCP Europe en ESH se terminent par « Au total, la distribution des notes reflète donc cette plus ou moins grande capacité à croiser faits et théorie, histoire et actualité, réflexion et argumentation et à se prononcer sur la question ».

Conseil : on ne le répétera jamais assez sur ce site, mais l’apprentissage d’une théorie doit être complète, à savoir le nom de l’auteur, la théorie en question, le nom de l’ouvrage complet, et l’année de parution, c’est long et fastidieux, mais le jour J, ca fait la différence. Par exemple :

  •  « En 1912 dans sa Théorie de la croissance économique, J.A Schumpeter fait de l’innovation le moteur de la croissance, car en situation concurrentielle, l’espérance de profits que procure le monopole temporaire grâce à l’innovation encourage l’apparition de ces dernières sous forme de grappes. »
  • “En 1936 dans La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, J.M Keynes affirmait que les politiques budgétaires avaient des effets fortement corrélés à l’efficacité des multiplicateurs d’investissement, de dépense publique et fiscal. C’est dans ce même ouvrage qu’il définit le multiplicateur comme étant “un coefficient d’ampleur de la variation de la production à la suite d’une variation soit des dépenses publiques, soit des impôts, soit de l’investissement”.

Et dans ces deux exemples, on a tout; l’idée principale, l’auteur, la date de l’ouvrage et le tout va appuyer et faire avancer votre réflexion. Donc le jour J, n’oubliez pas, c’est le combo « Auteur – Ouvrage – Date – Idée » qui doit être utilisé pour compléter VOTRE cheminement intellectuel !

IV) L’usage de graphique et de micro / macro

On remarque depuis quelques années que la micro/macro est de plus en plus valorisée durant l’épreuve d’ESH (désolé les gars … mais ces deux heures ou nous faisions du vocabulaire d’anglais, d’allemand ou d’espagnol en cours, c’est terminé, il faudra écouter votre prof désormais… ou du moins l’écouter intelligemment et stratégiquement!).

Prenons un exemple simple avec le sujet d’ESH de l’ESCP 2015 (Concurrence et croissance) … Tout est dit, il est IMPOSSIBLE d’avoir une note supérieur à 16/20 sans un usage précis et rigoureux de la microéconomie dans ce sujet.

L’usage de graphique (quand ce dernier à toute sa place dans le sujet et fait avancer l’argumentation du candidat) est aussi de plus en plus nécessaire, à condition que le candidat l’explique clairement et justifie son usage. Par exemple, à Ecricome 2016, le graphique IS-LM et IS-LM-BP pour expliquer que l’ouverture des économies avait un impact sur le chômage en réduisant l’efficacité des politiques budgétaires avait toute son utilité, le sujet à HEC 2016 demandait lui aussi une bonne maitrise de la courbe de Philips et le sujet 2016 de l’ESSEC pouvait demander intelligemment l’usage de la courbe en J.

Donc le graphique IS LM / IS LM BP / Philips (modèle Keynésien, monétariste, nouvelle macro-économie keynésienne) / courbe en J / modèle WS-PS / OG/DG / Laffer / equlibre en CPP, et j’en passe, c’est à connaitre et à maitriser !

De la même manière un usage justifié de la microéconomie peut vous faire briller le jour J. Remarquons qu’après avoir parlé à plusieurs professeurs d’ESH issus de diverses prépas en France, la micro semble et devrait être de plus en plus « à la mode » dans les années à venir, ce qui est à la fois un bon et un mauvais point pour vous. Un mauvais car il faut admettre que la micro n’est pas la partie la plus simple et la plus appréciée de notre programme, la bonne, c’est qu’elle est tellement négligée par 90% des candidats qu’elle peut vous permettre de briller le jour J !

V)  La conclusion

Si l’introduction est capitale, la conclusion est également très importante. Tu peux être sûr que même après avoir lu une dizaine de pages, le correcteur y portera une attention particulière. La première chose à faire est de résumer les principales étapes par lesquelles tu es passé pour aboutir à ta conclusion (pour cela, reprendre son plan permet d’avoir un fil conducteur et de ne pas s’éparpiller). Ensuite, tu devras faire référence à ton introduction : dans cette intro, tu as dû faire face à une impasse et proposer des pistes (différentes parties) pour y trouver une réponse. Tu dois alors montrer que c’est au terme de ta réflexion et grâce aux arguments que tu as avancés que tu peux avancer une réponse au problème. Tu dois toutefois rester prudent et mesuré : tu soutiens une réponse et ne la poses pas comme une vérité éternelle. Il vaut donc mieux expliquer sous quelles conditions cette réponse est vraie (très brièvement) et éventuellement reprendre certains arguments que tu as utilisés dans ton raisonnement (là aussi très brièvement) pour repréciser ta réponse. En revanche, il est fortement déconseillé de ré-argumenter dans la conclusion ; si tu as oublié un argument dans ta copie, c’est pas grave, mais ne le mets jamais dans la conclusion !

Concernant l’ouverture, il vaut sans doute mieux ne pas en faire que d’en improviser une au risque d’écrire n’importe quoi. En revanche, ne te prive surtout pas de rédiger une ouverture qui te paraît pertinente, c’est très apprécié. L’ouverture un peu passe-partout consiste à ouvrir le débat sur un sujet que tu as évoqué à un moment ou à un autre dans ta copie mais que tu n’as pas pu développer car il était hors sujet. En revanche, si tu veux bien faire kiffer le correcteur, tu peux tenter une épanadiplose. Cette figure de style consiste à reprendre en ouverture le thème que tu as choisi en accroche. Ayant rédigé une dizaine de pages après l’accroche, tu peux apporter un regard neuf (bon tout est relatif, mais tu sais déjà plus de quoi tu parles ..) sur le chiffre, l’événement ou la citation choisi et le commenter différemment de ce que tu avais fait dans l’intro, ou alors en parler dans un autre cadre que celui du sujet (en te focalisant sur une autre dimension économique ou sociale que tu n’avais pas traitée dans le sujet par exemple).

Nous espérons que cet article vous aidera à préparer cette épreuve si importante pour nous, ECE, et vous permettra de briller elle jour J. N’oubliez pas, une bonne copie passera forcément par de bonnes connaissances, et une bonne note reflétera le combo parfait de deux facteurs, à savoir la maitrise de l’exercice et les acquis dans la matière !

Corentin Marchal & Thibault Lemoine