Mes très chers prépa, ou tout autres curieux, je suis ravi de vous faire découvrir ce beau gosse de Pierre le Pesant, seigneur de Boisguilbert. Souvent catalogué comme un simple précurseur du libéralisme, et un adversaire du Colbertisme, et encore plus souvent… pas connu du tout ; Pierre de Boisguilbert mériterait d’être mieux présenté. Car cet homme qui porte si bien la perruque – et qui le vaut bien – est peut-être le plus grand économiste de tous les temps ! Oui, le plus grand : avant Quesnay, il verra l’économie comme un circuit ; avant Smith, il sera libéral et anti-mercantiliste ; avant Marx, il dénoncera une lutte des classes où un prolétariat agricole se fait exploiter par le « beau monde » ; avant Schumpeter, il fera une analyse cyclique des fluctuations économiques ; et bien avant Keynes, il introduira le principe de multiplicateur dans une dynamique macroéconomique. Et tout cela à cheval entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Bref, comment se peut-il que vous ne le connaissiez pas encore ?

A travers cet article, nous plongerons dans la France de l’ancien régime Colbertiste, nous croiserons Vauban, irons en Normandie, et au détour d’une taverne constaterons que la pinte de vin est passée de 4 à 10 sous à cause des impôts, et que cela nuit gravement à la santé du Royaume de France.

Et si après tout ce teasing, vous n’avez pas envie de lire cet article, une magnifique fiche, prête-à-découper, vous attend à la fin !

« Un journalier n’a pas plutôt reçu le prix de sa journée, qu’il va boire une pinte de vin […] »

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Pierre de Boisguilbert dans Le Détail de la France (1697).

Pierre de Boisguilbert : l’histoire de sa vie

Pierre de Boisguilbert naquit en 1646 à Rouen, dans une famille partageant une origine commune avec le grand dramaturge Pierre Corneille. Il fit ses études à Rouen avant de se lancer dans le droit chez les jansénistes de l’abbaye de Port-Royal à Paris, après quoi il tenta une carrière de dramaturge, qui n’aura pas le succès de son aïeul. A 30 ans, il décide de retourner dans sa Normandie natale où il cumulera plusieurs postes dans la haute administration locale. L’exercice de ces fonctions diverses lui permettra de se confronter à la misère dans laquelle vit la grande majorité de la population ; misère provoquée par la politique alors menée. Politique qu’il dénoncera en interne en vain, avant de se décider à écrire dessus. Illégalement, il fera publier sous anonymat Factum de France en 1705, un recueil regroupant plusieurs de ses écrits passés (dont Détail de la France (1695) qui avait lui aussi été publié illégalement) qui dresse un procès à charge de la politique économique du Royaume (en bonus, voici le titre complet de l’ouvrage : Le Détail de la France, la cause de la diminution de ses biens et la facilité du remède en fournissant en un mois tout l’argent dont le Roi a besoin et enrichissant tout le monde) – un mélenchoniste avant l’heure!

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Vauban et son gros point noir

Vous comprendrez aisément qu’en 1707 un « arrêt du Conseil du Roi » condamna notre auteur à 3 ans d’exil en Auvergne (mon Dieu, tout mais pas ça !!!) et l’ouvrage au pilon. Il faut dire que la même année, Sébastien Le Prestre de Vauban (oui, celui des forteresses et qui semblait ô combien loyal au Royaume de France) avait écrit la même année Le projet de Dîme Royale (et qui fut lui aussi publié illégalement à Rouen – étonnant…), texte qui encore une fois critique fortement la politique fiscale alors menée, en proposant une alternative, quasi révolutionnaire, et qui sera évidemment condamnée de la même sanction que celle de Boisguilbert. Aidé par Saint-Simon, Pierre de Boisguilbert put retourner à Rouen, mais fut suspendu de toutes ses fonctions. Cependant, « il en fut amplement dédommagé par la foule du peuple et les acclamations avec lesquelles il fut reçu », dixit son copain Saint-Simon. Un vrai héros, ce Pierrot.

Sa vie fut moins trépidante par la suite (enfin j’imagine, vu que je n’ai rien trouvé à ce sujet) et il mourut en 1714 à Rouen (encore et toujours) à l’âge honorable de 68 ans.

Sa pensée économique

Revenons à ce qui nous intéresse, la pensée économique de Pierre de Boisguilbert. Il faut d’abord souligner le fait qu’il est un précurseur. Par précurseur, on désigne en général l’ensemble des auteurs qui sont pré-smithiens. Mais c’est un peu grossier car en réalité, malgré l’importance d’Adam Smith, il n’y a pas une claire ligne de démarcation au sein des pensées économiques. Plus précisément, les précurseurs sont ceux qui ont abordé des questions d’économie politique sans les traiter au sein d’une matière propre : l’économie.

Mêlée à la politique, à la démographie et à la philosophie, l’économie n’avait pas encore émergé comme une science (humaine) en soi. Mais pourtant les enjeux liés à la compréhension des phénomènes économiques apparaissaient déjà et ont suscité l’intérêt de bon nombre de penseurs de l’époque.

Les précurseurs ont aussi permis de défricher le terrain pour les classiques, car eux n’avaient pas de prédécesseur sur qui reposer leur pensée et contre qui confronter leurs idées. C’est de là qu’apparaît une forme d’archaïsme de leur pensée, souvent erronée et maladroite. Mais, croyez-moi, leurs apports et leurs erreurs ont été essentiels à la construction de la science économique tel que nous la connaissons aujourd’hui.

Mais revenons à nos moutons. L’œuvre de Pierre de Boisguilbert qui sera étudiée ici sera essentiellement son Factum de France (1705), qui de toute façon regroupe la majorité de ses œuvres. Le but n’est pas de faire une liste exhaustive de ses idées, mais de souligner ses apports, et l’originalité de sa pensée. Originalité qui tient d’abord de sa méthode, ou plutôt de sa non-méthode de théorisation économique. En effet, c’est presque inconsciemment que Pierre de Boisguilbert a révélé tous ces phénomènes économiques.

Son but, rappelons-le, était de dénoncer la condition du peuple en France. Et c’est en voulant appuyer son propos, démontrer la véracité de son discours qu’il a cherché à expliquer l’origine de la crise que vivaient ses contemporains.

Il est ainsi parvenu à un niveau d’abstraction remarquable pour proposer une théorie économique cohérente et longtemps inégalée. Ainsi, nous retiendrons de ses écrits, trois idées majeures :

  • Son opposition ferme à l’étatisme colbertiste ainsi qu’au mercantilisme ;
  • Sa dénonciation de la misère sociale qui lui permettra de théoriser bon nombre de concepts économiques toujours d’actualité ;
  • Et sa théorisation des crises dites « d’ancien régime ».

Quel beau programme, dis donc ! C’est parti.

Boisguilbert vs Colbert

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Jean-Baptiste Colbert,un petit papier à la main

Jean-Baptiste Colbert mériterait un article en soi ; mais dressons le plus synthétiquement possible son portrait. Il est le ministre des finances de Louis XIV de 1665 à 1683, faisant des idées mercantilistes l’essence de sa politique, et bouleversera grandement l’économie du Royaume de France pour en faire la plus grande puissance européenne. Pas de quoi lui chercher des poux a priori, vu son bilan. On lui doit principalement d’avoir :

  • Créé une puissante marine permettant d’importer des matières premières, et surtout d’exporter des biens finis ;
  • Réglementé la production de corporations ;
  • Créé les manufactures royales (Saint-Gobain, les Gobelins, ou encore celle de Saint-Etienne) avec monopole qui fabriqueront les produits de qualité, quitte à débaucher des artisans étrangers ou à simplement copier des « savoir-faire étrangers » ;
  • Instauré un tarif douanier moderne, voire des embargos en vue de réduire l’avantage compétitif des biens étrangers et d’apporter des finances supplémentaires aux caisses du Royaume ;
  • Amélioré les infrastructures du pays, notamment commerciales (canaux, routes, ports, etc.).

Vous l’aurez aisément compris, J-B est un mercantiliste pur et dur. L’ensemble de sa doctrine économique sert exclusivement l’intérêt de la puissance royale, et tant les libertés individuelles que le niveau de vie global du peuple lui importent peu (obligation pour les commerçants d’utiliser la marine française, taxations des parents qui n’ont pas fait marier leur progéniture, légalisation du travail des enfants, traite des Noirs, colonisation, etc.). En réalité, ce qui lui importe, c’est d’importer le moins possible.

Il fera du commerce extérieur le nerf de sa guerre économique ; le but étant, grâce à une balance commerciale positive, d’attirer de l’or en France, au détriment des autres puissances européennes. Sa vision du commerce international comme un jeu à somme nulle lui fera dire : « Il faut attirer du dehors et le conserver au-dedans. » Au final, le Royaume de France protectionniste s’enrichira sous ses mandats, mais pas les Français.

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Jean-Baptiste Colbert, conseillant Louis XIV à l’aide d’un PowerPoint humain

Pierre au grand cœur de Boisguilbert s’insurgera donc contre l’héritage tant économique que doctrinaire de ce Colbert, et de l’ensemble du courant mercantiliste dominant à cette époque.

D’abord, Boisguilbert est contre tout dirigisme économique. Il croit qu’un ordre économique naturel émerge des actions d’individus libres, guidées par leur propre intérêt (la main invisible de Smith a surement feuilleté ce passage…) mais qui comprendrait une solidarité naturelle ; et l’Etat doit avoir un rôle limité : « Instruire, protéger, voilà tout le devoir du gouvernement » nous écrit-il dans Eloge des hommes à célébrer (pas de date…).

Il suffit de « laisser-faire, laisser passer » comme dira plus tard Vincent de Gournay, et de taxer le moins possible pour faire apparaître le « bon prix » pour que cet ordre naturel surgisse. Adieu protectionnisme, réglementations absconses, et mille-feuilles de taxations arbitraires, qui ne font que scléroser les véritables créateurs de richesses : « Tout ce qu’il y a de laboureurs et de commerçants dans le royaume, c’est-à-dire tous ceux qui sont la source et le principe de toutes les richesses de l’Etat, tant à l’égard du Roi que des peuples. » (Factum de France)

Dans la foulée, il convient pour Boisguilbert de critiquer cette folle course à l’or. Non, c’est une relique barbare comme dirait notre cher Keynes. Notre Pierrot nous dit plutôt « qu’on lui a sacrifié pour cent fois autant de denrées les plus nécessaires à la vie que l’on recevait de ce fatal métal […] devenu le bourreau de toute chose. » (Dissertations de la nature des richesses, de l’argents des tributs (1704)).

Boisguilbert, un marxiste libéral mais aussi keynésien

On pourrait aisément dire que Boisguilbert est libéral. Ce ne serait pas faux, mais faire omission de son penchant marxisto-keynésien. Je m’explique.

Le marxiste libéral

D’abord, il analyse la société en termes de classes sociales, avec les gentils laboureurs et commerçants, seuls créateurs de richesses d’un côté ; et de l’autre « le beau monde » riche et oisif et qui ne sert qu’à consommer. Dans le texte, cela donne : « l’une qui ne fait rien et jouit de tous les plaisirs, et l’autre qui travaille depuis le matin jusqu’au soir, a à peine le nécessaire, et en est même souvent privée entièrement. » (Dissertations de la nature des richesses, de l’argents des tributs (1704)). De cette interdépendance, il voit, avant François Quesnay, l’existence d’un circuit économique, reliant les improductifs aux marchands et aux agriculteurs afin d’expliquer notamment comment la richesse créée est pompée par le « beau monde » à travers un système abusif de taxes. Et « trop d’impôt, tue l’impôt » me souffle à l’oreille un certain Arthur L.

Le Keynésien

Avec son ami Vauban, ils critiqueront le système de taxation en place, jugé inégal, abscons et inefficace par les deux auteurs. Mais pour appuyer son propos, Pierrot va nous raconter une histoire, que je vais gentiment recopier et annoter :

Résultat de recherche d'images pour "le détail de france boisguilbert"« Il est aisé de voir que pour faire beaucoup de revenu dans un pays riche en denrées, il n’est pas nécessaire qu’il y ait beaucoup d’argent*, mais seulement beaucoup de consommation, un million faisant beaucoup plus d’effet de cette sorte que dix millions […] restés dans un coffre qui ne sont pas plus utiles à l’Etat que si c’étaient des pierres ; et ce qui fait de mal au menu peuple** de la France, est que c’est le menu peuple sur qui agit le désordre des Tailles*** […]. En effet, un journalier n’a pas plutôt reçu le prix de sa journée, qu’il va boire une pinte de vin étant à un prix raisonnable ; le cabaretier en vendant son vin en rachète du fermier ou du vigneron ; et le vigneron paye son maître, qui fait travailler l’ouvrier, et satisfait sa passion ou à bâtir, ou à proportion qu’il est payé de ceux qui font valoir ses fonds. Que si ce même vin, qui valait 4 sous la mesure, vient tout d’un coup, par une augmentation d’impôt, a en valoir 10, ainsi que nous l’avons vu arriver, de nos jours, le journalier, voyant que ce qui lui resterait de sa journée ne pourrait suffire pour nourrir sa femme et ses enfants, se réduit à boire de l’eau, comme ils font presque tous dans les villes considérables, et fait cesser par là la circulation que lui fournissait sa journée, et est réduit à l’aumône, non sans blesser les intérêts du roi, qui avait sa part à tous les pas de cette circulation anéantie ». Le détail de la France (1697)

*la monnaie n’est qu’un instrument d’échange, pas une richesse en soi

** menu peuple : population de condition très modeste

***[…] cf. ce lien pour comprendre que cet impôt avait de quoi être plus impopulaire qu’une taxe carbone https://fr.wikipedia.org/wiki/Taille_(imp%C3%B4t)

On est d’accord pour dire que ce n’est pas du Michel Tournier, et que c’est légèrement imbitable. On comprend aussi pourquoi ce Boisguilbert n’a pas fait une grande carrière de dramaturge… Mais je trouve important de laisser parler les auteurs, d’avoir un accès direct à leur pensée, et de comprendre ce que l’on peut en tirer. Car, mine de rien, vous avez là la toute première conception de l’effet multiplicateur ! Hé oui ; derrière ces phrases à rallonge, ce vocabulaire désuet, Pierre de Boisguilbert vient de vous expliquer grâce au prix d’une pinte de vin l’effet multiplicateur.

Au sein du circuit économique qu’il avait au préalable proposé ; une dépense de 4 sous sert à d’autres dépenses au sein du circuit. Les 4 sous originellement dépensés par notre ouvrier journalier vont servir à la production d’autres biens et services. Passant par une série d’échanges, la somme initiale va être multipliée par le nombre d’échanges qu’elle va subir, cette somme aura donc un impact macroéconomique plus important qu’en restant thésaurisée.

Dès lors, taxer la pinte de vin va empêcher sa consommation, et donc anéantir tout le processus multiplicatif qui aurait dû s’ensuivre. La taxation réduit l’effet multiplicateur, et donc appauvrit macroéconomiquement la société d’une richesse potentielle. Richesse qui se serait matérialisée avec le « laissez faire, laissez passer ». Qui plus est, même le Roi aurait pu bénéficier de cette circulation de richesse en taxant équitablement l’ensemble des acteurs se trouvant dans ce circuit. Et c’est bien avant que Keynes n’en reparle dans sa Théorie Générale!

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J-M Keynes, en flagrant délit de copiage de Boisguilbert

Mais ce qu’il ressort aussi de tout ça, c’est que pour Boisguilbert, la richesse d’une nation ne vient pas de la quantité d’or dont cette nation dispose, mais bien la consommation des masses qui permet à la richesse de se matérialiser. Il faut donc protéger et soutenir cette consommation du peuple français, et ne pas la matraquer de taxes. En rupture totale avec les mercantilistes de son temps, Boisguilbert nous dit tout simplement que la richesse d’une nation vient de sa demande intérieure. Plus keynésien, tu meurs. Même si à long terme… Bref.

Boisguilbert nous explique les crises « d’ancien régime »

Le bougre aurait pu s’arrêter là, afin de laisser quelques découvertes à d’autres futurs économistes ; mais non. Tant qu’à faire, autant expliquer d’où viennent les crises. A l’époque, les crises sont essentiellement frumentaires, notamment parce que l’essentiel de l’économie est encore basé sur la production agricole, et ses variations. Notons que de son vivant, Boisguilbert a connu trois épisodes de grande disette : 1661-1662 (crise de l’avènement), 1693-1694, et 1709 (le « Grand Hiver » gameofthronien) qui touchèrent notamment la Normandie. Autant dire que c’était un sujet particulièrement d’actualité et auquel il fut confronté !

Les crises agricoles ont une origine agronomique, certes, mais comment expliquer leur impact sur le reste de l’économie ? De mauvaises récoltes entraînent nécessairement une montée du prix des céréales (d’autant plus si le protectionnisme empêche toute importation). Cette hausse va aspirer plus de revenus disponibles que normalement, réduisant mécaniquement les débouchés pour les autres producteurs de richesse ; ici, les artisans. Et même le propriétaire terrien, pourtant friand de l’artisanat de qualité, réduira son train de vie, étant donné que les revenus qu’il tire des fermages (taxation sur les paysans) s’amoindrit.

La simple cherté du pain va se répercuter sur l’ensemble du circuit économique et entraîner une sous-consommation, pour ceux qui peuvent encore se nourrir correctement, et disette pour les classes les plus pauvres. C’est la période de dépression économique.

Cyniquement, une famine réduit la demande intérieure, et tous les cultivateurs (survivants ?) sont incités à produire plus face à la montée des prix agricoles, augmentant les surfaces cultivées. Le rééquilibrage peut se mettre en place, et aux années de vaches maigres, succéderont les années de vaches grasses. La croissance pointant le bout de son nez, il faudra simplement attendre le prochain caprice de mère nature pour voir de nouveau se former un cycle économique.

Ainsi se dessine la dynamique des fluctuations économiques sous l’Ancien Régime, expliquée en premier lieu par notre cher Boisguilbert.

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*sur la pierre, est inscrit: « Tailles, impôts et corvées »

Sa postérité

Adam Smith avait dans sa bibliothèque Le détail de France ; après, l’avait-il lu… On peut supposer que oui, même si honnêtement, je n’en sais rien. De toute façon, Smith avait effectué un voyage en France avant d’écrire sa Richesse des Nations, rencontrant au détour d’un chemin François Quesnay. Nul doute qu’il avait entendu parler de ce Boisguilbert à cette occasion, tant ce dernier a inspiré Quesnay. Marx aussi s’était intéressé aux écrits de Boisguilbert et avait même initié une partie de ses contemporains à son œuvre. Marx préférait largement la conception du « laissez faire » de Boisguilbert, presque humaniste, à celle froide de l’école classique anglaise. Mais ce sont surtout les keynésiens qui ont pu trouver chez ce vieil auteur à perruque un écho ancestral à beaucoup de leurs principes. Sa postérité tient aussi de ses travaux sur la démographie qui ont souvent servi de référence dans cet autre domaine (encore non distingué de l’économie à la fin du XVIIe siècle) mais que j’ai passé sous silence car moins intéressant ici.

Cependant, Boisguilbert n’a sans doute pas la postérité qu’il mérite au vu de ses apports, certes épars et balbutiants. Peut-être est-il né trop tôt, dans un monde où l’étude de l’économie n’était pas encore balisée. Il fallait bien casser des pots avant de voir arriver une plus grande rigueur tant méthodologique que de quadrillage de la matière étudiée. Mais Boisguilbert a su, presque intuitivement, apporter des vérités économiques encore d’actualité. Son utilisation dans les copies n’est donc pas aisée, mais peut se faire en accroche ou dans l’introduction. On peut donc affirmer que selon ce test ADN (Après Démonstration Nmagistrale) que oui, Pierre de Boisguilbert est bien le père de l’économie politique ; mais pas de la science économique. Et n’oublions pas qu’il a sacrifié sa carrière pour dénoncer les injustices de son temps, qui ne seront résolues qu’en partie, après la Révolution Française ; alors merci Pierre !

C’est tout, et c’est sans doute trop et pas assez en même temps.

 Et voici, comme promis, une petite fiche prête-à-découper :

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Pierre le Pesant de Boisguilbert

(1646-1714)

Ecole de Pensée

Précurseur au grand cœur, mais ignoré de ses contemporains :’(

Principales œuvres

Factum de France (1707) qui reprend entre autres Le détail de France (1697)

Grandes Idées/Théories

  • Critique du Colbertisme/Etatisme/mercantilisme. Les actions de l’Etat contreviennent à l’ordre naturel de l’économie. L’individualisme permettrait de produire plus de richesses. La politique de Colbert n’a absolument pas enrichi le peuple. Avec Vauban : dénonciation du système fiscal de l’époque.
  • La richesse ne vient pas de l’accumulation de l’or (« fatal métal »), mais de la consommation des masses populaires au sein d’un circuit économique entre plusieurs classes (Beau monde vs. Paysans et artisans).
  • Premier théoricien du concept du multiplicateur. Puisque l’économie est un circuit, il existe un effet multiplicateur qu’il ne faut pas contrarier par un système d’impôt abscons.
  • Théoricien des crises dites d’Ancien Régime.

Citations

« Instruire, protéger, voilà tout le devoir du gouvernement. » Eloges des hommes à célébrer

« tout ce qu’il y a de laboureurs et de commerçants dans le royaume, c’est-à-dire tous ceux qui sont la source et le principe de toutes les richesses de l’Etat, tant à l’égard du Roi que des peuples » Factum de France (1705)

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