Le système de santé britannique est un élément de civilisation central dans la culture outre-Manche. Il se retrouve par ailleurs au cœur de l’actualité avec le Brexit et la crise sanitaire liée à la Covid-19. Faisons donc un petit point sur le NHS (National Health Service), cette organisation qui fournit l’essentiel des soins au Royaume-Uni, depuis la médecine générale aux urgences, en passant par les soins de longue durée.

Fondé en 1948 par le gouvernement travailliste de Clement Attlee, le NHS est autant considéré comme une « une religion nationale » (selon Nigel Lawson, un ancien ministre de l’Économie) et une « pride of the nation » que décrié et critiqué pour ses failles.

Histoire du NHS, grands principes et inscription dans la culture populaire britannique

La constitution d’un système de santé et d’un système de sécurité sociale gratuit est débattue dans le champ politique anglais depuis les années 30. Sa mise en place est précipitée par la Seconde Guerre mondiale et la publication du Rapport Beveridge en 1942 qui propose un système complètement novateur pour remédier à la misère qui touche les populations londoniennes et le pays entier après le conflit. Le NHS est finalement mis en place en 1948 par le travailliste Attlee. Aneurin Bevan, le secrétaire d’État à la santé qui porte le projet, énonce alors trois principes qui devront guider ce que sera le futur NHS : répondre aux besoins de chacun, être entièrement gratuit et être basé sur les besoins médicaux et non sur la capacité du patient à payer. D’autres principes sont venus les compléter au fur et à mesure : outre l’universalité, la gratuité et la sélection sur la base du besoin, on retrouve l’égalité d’accès en matière de soins et de couverture géographique, le haut niveau de qualité de soins pour tous, le service non lucratif et le financement par l’impôt progressif.

« Tous – riche ou pauvre, homme, femme ou enfant peuvent l’utiliser. Il n’y a rien à payer, sauf quelques petites exceptions. Il n’est pas nécessaire d’avoir une assurance. Mais il ne s’agit pas d’une œuvre caritative. Tous, vous payez pour, à travers vos impôts sur le revenu, ce qui, en cas de maladie, éliminera pour vous tout souci financier », expliquait un prospectus distribué aux Britanniques à l’époque.

Une des particularités du NHS, et également une des raisons pour lesquelles les Britanniques en sont particulièrement fiers, est qu’il constitue l’application beveridgienne par excellence de la protection sociale mise en place par les États modernes au XXe siècle. En effet, en 1942, lorsque le gouvernement anglais demande à W. Beveridge de rédiger un rapport sur le système d’assistance maladie, il propose une refonte du système de protection sociale tel que présenté ci-dessus. Il s’oppose au système germanique bismarckien, plus ancien, qui lui est basé sur le travail et est financé par des cotisations sociales payées par le salarié et l’employeur (et non par un impôt collectif) et est géré par des partenaires sociaux et non par l’État. Au final, l’enjeu qu’est la redistribution des richesses visant à instaurer une couverture santé collective n’est pas abordé de la même manière :

  • redistribution verticale –> logique d’assistance –> modèle beveridgien,
  • redistribution horizontale –> logique d’assurance –> modèle bismarckien.

Enfin, il est important de noter que pour les Britanniques, le NHS est un « gem » (joyau) du Royaume. Un exemple marquant de ce point se trouve dans la cérémonie d’ouverture des JO de Londres en 2012 (à regarder : elle dépeint avec grandeur et parfois humour les éléments clés de la culture et de l’histoire britannique). Au cours de cette cérémonie, un élément marquant a été le saut en parachute de la Reine (enfin plutôt une doublure) au-dessus du stade en compagnie de James Bond. Puis, le tableau suivant est consacré au NHS, sous les ovations du public, alors qu’il assiste à un ballet de lits d’hôpitaux, d’infirmières et de médecins en costume des années 40. Le pays entier célébrait et communiait autour de son NHS. En fait, avec la reine Elizabeth II, la famille royale, et dans une moindre mesure la BBC, le NHS est l’une des seules institutions auxquelles les Britanniques vouent un véritable culte, au point que la Reine y a consacré ses premiers mots dans son allocution exceptionnelle à la nation le 5 avril dernier au cœur de la crise du coronavirus.

Le NHS en chiffres : dans quel état est aujourd’hui le système de santé britannique ?

  • 140 milliards de livres sterling (£)

C’est le budget du NHS pour l’année 2020, soit environ 160 milliards d’euros. En comparaison, les prestations pour la branche maladie du régime général de la Sécurité sociale en France s’élèvent à 198 milliards d’euros. Mais la différence majeure entre les deux systèmes est que, comme évoqué précédemment, le NHS est financé majoritairement par les impôts, contrairement à la Sécurité sociale qui est elle principalement financée par des cotisations sociales.

  • 4

C’est le nombre d’entités régionales qui constituent les subdivisions du NHS après qu’il ait été décentralisé entre l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord.

  • 1,6 million

C’est le nombre de personnes employées par le NHS au Royaume-Uni.

  • 9,8 %

C’est la proportion du PIB qui est consacrée au NHS dans le pays, l’une des plus faibles des pays de l’OCDE, et ce, depuis un bon nombre d’années.

  • 4 millions

C’est le nombre (record depuis 10 ans) de personnes qui attendent d’être opérées au Royaume-Uni. Le manque de ressources financières a depuis quelques années entraîné une priorisation des soins urgents par rapport aux soins moins urgents. Résultat : les files d’attente pour accéder aux soins sont très longues : rien qu’en Angleterre, 1,9 % des patients auraient attendu plus de six semaines avant de passer des examens, 9,7 % auraient attendu plus de 18 semaines avant d’être admis à l’hôpital et 19,5 % des personnes susceptibles d’être atteintes d’un cancer auraient dû patienter plus de 62 jours avant de commencer un traitement. Les chiffres ne sont pas plus rassurants dans les autres régions du Royaume.

Le NHS au cœur d’une crise de longue durée aggravée par le Brexit et la pandémie liée à la Covid-19

Les chiffres cités ci-dessus le montrent, le NHS subit quelques ratés : hiérarchie très rigide, protocoles trop précis, débauche d’administration, ras-le-bol exprimé par le personnel de santé, files d’attente interminables, inégalités entre le Nord et le Sud du UK, scandales de traitements inhumains dans les hôpitaux, personnel trop peu nombreux, sans oublier la pression de l’allongement de la durée de vie et du prix élevé des médicaments… bref, la liste est longue.

Mais comme souvent, la source du problème repose dans le manque de moyens financiers. Le déficit du NHS s’élevant à plusieurs millions de livres, les coupes budgétaires ont été drastiques. Et le financement resserré de ces dernières années n’a pas aidé : après une manne financière allouée durant des années par Tony Blair (Labour Party), le NHS n’a pas été épargné par les budgets réduits imposés pendant dix ans d’austérité par les gouvernements conservateurs de David Cameron, puis de Theresa May. Cela a mené, pendant les débats sur le Brexit, à l’idée de la privatisation partielle du NHS, sous la pression notamment de sociétés pharmaceutiques américaines attirées par ce marché. Ces propositions avaient fait scandale au point où, pendant la campagne électorale de décembre, Boris Johnson avait dû se défendre d’envisager un tel projet. Il a même fait du NHS, avec le Brexit, son cheval de bataille, poussé par de nombreux électeurs précédemment travaillistes.

Mais c’est bien l’épidémie de Covid-19 qui a débloqué les budgets. Ces fonds arriveront sans doute trop tard pour compenser le manque de moyens en pleine crise sanitaire, alors qu’avec 6,6 lits en soins intensifs pour 100 000 personnes, le NHS se situait avant la pandémie en bas des classements européens. Au début de la crise, le manque de lits de réanimation, de personnel et de masques a d’ailleurs été criant. Il aura finalement fallu que le Premier ministre Boris Johnson soit mis lui-même en soins intensifs pour qu’il alloue, comme il l’avait promis, de gros moyens supplémentaires (plus de trois milliards, selon les dernières annonces).

Pour finir, le dernier souci auquel fait face le NHS est le Brexit. L’accord signé le 24 décembre dernier permettra d’éviter un chaos administratif à la fin de la période de transition, à savoir le 1er janvier 2021. Mais le véritable problème est que, par le passé, le NHS pourvoyait les postes en recrutant à l’étranger (en 2014, 30 % des médecins et 15 % des infirmières travaillant au Royaume-Uni avaient été formés à l’étranger, contre 9 % et 2 %, respectivement, dans le reste de l’Union européenne). Depuis l’annonce du Brexit, en 2016, beaucoup d’entre eux sont repartis dans leur pays d’origine et le recrutement à l’étranger a été intégralement anéanti. Au vu du temps nécessaire pour former médecins et infirmières, il faudra quelques années avant que le personnel formé sur place prenne la relève, ce qui repousse encore la résolution du problème de manque de personnel au sein du NHS.

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