A quelques jours du dénouement (si tout se passe bien !) des élections américaines, les deux candidats Joe Bien et de Donald Trump se sont affrontés cette nuit lors d’un ultime débat télévisé. Alexandre Melnik, professeur de géopolitique à ICN Business School, conférencier, auteur et ancien diplomate, nous livre en exclusivité son analyse dans cette chronique : vous pouvez d’ailleurs retrouver celle de la semaine passée qui explique pourquoi Joe Biden sera le futur président des Etats-Unis.
Rendez-vous à 13h30 sur Facebook, YouTube, Twitter ou Twitch pour suivre le live qui approfondira cette première analyse !
Deuxième débat : Trump fait du Trump, Biden – du Biden ; Le « déclassement » de l’un, la « présidentialisation » de l’autre
Le deuxième – et le dernier – débat télévisé de cette nuit, plus policé et ordonné que le premier face-à-face entre les deux prétendants à la Maison Blanche, n’a pas bouleversé la donne. Il a confirmé la tendance principale, déjà constatée.
À savoir, Trump a fait du Trump, sans avoir réussi à renverser la table, et Biden a fait du Biden, ayant réussi à ne pas perdre le match. Certes, l’actuel président a mis de l’eau dans son vin pour paraître moins violent que d’habitude. Même sa chevelure est devenue, pour l’occasion, moins orange flamboyant. Mais, au fond, il n’avait qu’approximations et invectives comme seul programme. Il a relancé sa machine de fake news, bombé le torse, fait les grands moulinets et dénigré, en vrac, la Chine, la Russie, l’Accord de Paris sur le climat, «la gauche radicale» et l’éolien «qui tue les oiseaux», etc. Avec l’objectif d’antagoniser le débat, tout en essayant, contre sa nature, d’éviter le piège de l’agressivité qui le guette.
Faute de pouvoir donner à son discours le moindre sens, la moindre dimension programmatique qui ouvre l’avenir. La pandémie lui a enlevé son seul argument possible sur une bonne santé de l’économie américaine (avant le Covid) et relégué au rang d’épiphénomènes ce qu’il considérait, à tort ou à raison, comme ses succès en politique étrangère (notamment, le rapprochement avec Israël, l’établissement de la relation avec la Corée du Nord, etc).
Pour moi, les jeux sont faits : Trump a épuisé son capital surprise-chance. Le roi est désormais nu. Face au terrible bilan sanitaire, dont il est largement responsable. Face à l’insoutenable gravité de ses mensonges. Je répète : le Covid – ce test extrême sur l’essentiel, sur la vérité, sur la vie et la mort – a révélé au grand jour sa vacuité, sa nocivité, sa dangerosité. Le Covid l’a « tuer ». * Politiquement. Même si, humainement, la vigueur, affichée par ce septuagénaire, qui défie son âge, suscite mon respect.
Et Biden ? Rien de nouveau, non plus. Il a mené le débat, comme il mène sa campagne : débat pépère, campagne pépère. Avec deux piliers : apaisement et réconciliation. Dans son cas, il ne s’agit pas de «make America great again», mais tout simplement «make America again», ce qui serait déjà une performance, après quatre ans de désastre. Revenir, progressivement, à la genèse des Etats-Unis, bâtie par ses pères fondateurs Thomas Jefferson, Georges Washington, Thomas Paine (ce dernier disait que «son pays est le monde, et sa religion est de faire le bien»). Ouvrir une voie aux nouvelles générations politiques qui lui succéderont. Porter une promesse de la renaissance d’un rêve américain dans le monde global, interconnecté, instantané, interdépendant du XXIe siècle.
En résumé, Biden, la force molle mais tranquille, s’approche à son rythme (à la vitesse d’une tortue) de l’entrée de la Maison Blanche. Alors que Trump, lui, toutes voiles de la haine dehors, fonce vers sa sortie. Deux manières, différentes, de paraître et d’être. Deux logiciels mentaux (que j’appelle «the softwares of the mind»), aux antipodes. Et ça, ce n’est plus seulement de la politique ou de la géopolitique. Mais de la vie tout court, dans une période exceptionnelle que nous vivons actuellement. Après tout, le débat de cette nuit ne s’est-il pas déroulé à Nashville, capitale de l’Etat du Tennessee, et, comme le chantait Johnny Hallyday, «nous avons tous quelque chose en nous de Tennessee ?». «Quelque chose de Tennessee», soit une partie inaliénable de nos vies. Indexée à l’American Dream. For ever.
Souvenons-nous : la géopolitique, c’est la vie. Et sous cet angle existentiel que je continuerai à interpréter cette élection aux États-Unis, la plus importante dans toute l’histoire de ce pays-miracle. À très bientôt.
* référence à la phrase « Omar m’a tuer » , à l’orthographe incorrecte, liée à l’affaire Omar Raddad. Elle est devenue célèbre dans le cadre de cette affaire judiciaire, qui a bouleversé la France en 1991.