Facebook Meta

C’est officiel, c’est un changement de nom très attendu : Facebook devient Meta. Tu n’as sûrement pas raté cette nouvelle qui a fait le tour des médias. Je te propose de la décrypter pas à pas sous un angle géopolitique. En effet, derrière cette annonce se cachent de nombreux enjeux géopolitiques en lien avec le cyberespace, et plus particulièrement le métavers (metaverse en anglais).

Laisse-toi donc porter par la géopolitique du métavers afin de proposer des analyses pertinentes et actuelles sur un sujet de concours portant sur le numérique (comme ce fut le cas avec le sujet ECRICOME 2020 ou ESSEC 2021). Je te conseille même d’en faire une étude de cas pour approfondir ce que tu as à dire dessus dans ta copie.

Le groupe Facebook devient Meta

Mark Zuckerberg annonce le changement de nom de la maison mère de Facebook dans un contexte assez tendu. En effet, il était en pleine tourmente des « Facebook Files », dont Frances Haugen en est la lanceuse d’alerte. Cette dernière avait révélé des documents dénonçant à quel point les États-Unis n’ont pas pris au sérieux les dangers du réseau social malgré tous les avertissements.

En effet, c’est lors de l’événement Facebook Connect du 28 octobre 2021 que le fondateur évoque la nouvelle appellation de son entreprise « Meta ». C’est alors que Facebook devient Meta. Celle-ci rassemblera toutes les plates-formes, à l’instar de Facebook, Instragram, Whatsapp. De fait, ce changement de nom est témoin d’une véritable géopolitique du métavers qui se profile dans les années à venir.

Meta et son métavers : que retenir en prépa ECG ?

Le choix d’appeler la maison mère Meta n’est sûrement pas anodin. Meta fait bien évidemment référence au métavers, considéré par ses promoteurs comme l’Internet du futur. Il s’agirait d’un nouvel Internet (aussi révolutionnaire que l’Internet mobile) nous donnant accès à une nouvelle dimension.

Considéré comme un « Web en 3D », ce monde virtuel hébergerait une communauté d’internautes (ou plutôt de métanautes) se présentant sous forme d’avatars. Ils pourraient s’y déplacer et interagir socialement, économiquement, voire politiquement. On comprend alors son nouveau nom et pourquoi Facebook devient Meta. Ce métavers s’accompagne de nombreuses caractéristiques. 

Les caractéristiques du métavers

Cet univers serait capable de mêler réalité virtuelle et augmentée en trois dimensions. En fait, on peut le considérer comme une quatrième dimension totalement immersive, dans laquelle les individus peuvent interagir entre eux et voir les mêmes choses. L’accès au métavers sera subordonné à un terminal, c’est-à-dire l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle (pour l’instant).

L’interopérabilité est l’élément clé du métavers. Il s’agit de la capacité d’un système à fonctionner avec d’autres systèmes sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. Actuellement, il existe déjà de nombreux univers virtuels qui ont été créés par de nombreuses marques, à l’instar de PlayStation VR (Sony), Oculus Quest ou HTC Vive (HTC). Certaines rumeurs prévoient même la sortie de lunettes connectées d’Apple. L’idée de l’interopérabilité du métavers serait donc d’interconnecter ces dimensions. Tout cela traduit un nombre incalculable d’enjeux pour la géopolitique du métavers.

Attention cependant à ne pas confondre le cyberespace et le métavers. En fait, le métavers est un type de cyberespace différent de celui qu’on connaît. Le cyberespace actuel regroupe tout ce qui se rapporte au Web. Cependant, le cyberespace de Meta sera axé sur tout ce qui concernera le métavers. Bien sûr, on imagine bien qu’il existera des passerelles entre les deux univers, ou même qu’à terme, l’un remplacera complètement l’autre.

Facebook devient Meta dans un contexte de numérisation de la société

Depuis la création du World Wide Web par Tim Berners-Lee en 1991, la société n’a fait que se numériser de façon exponentielle. Cela a été le point de départ d’un changement sociétal profond. En effet, la société s’est petit à petit connectée en temps réel avec l’arrivée de l’Internet mobile grâce à la création des smartphones. De fait, le métavers n’est pas une chimère. C’est la suite logique de la numérisation de la société.

En fait, c’est Neal Stephenson qui a créé le concept de métavers dans son ouvrage de science-fiction Le Samouraï virtuel en 1992. Une vingtaine d’années plus tard, Steven Spielberg arrive à ancrer les contours du métavers dans l’imaginaire collectif grâce au succès de son film Ready Player One (2018).

L’émergence du métavers a été freinée par les limitations technologiques jusqu’ici. Mais les initiatives n’ont jamais manqué, comme le montre le Metaverse Roadmap Summit en 2006, qui avait publié la feuille de route montrant les étapes clés de la création d’un tel univers.

On peut bien imaginer que la récente crise de la Covid-19 et son « grand confinement » ont fait accélérer les choses. En effet, le télétravail était de mise et les entreprises ont eu recours presque exclusivement au numérique pour continuer de fonctionner. Le métavers semble donc être une solution pour pallier ce genre de crises à l’avenir. (On peut imaginer par exemple des réunions en distanciel, mais avec simulation de présentiel : c’est-à-dire des réunions de travail dans le métavers, etc.)

Meta veut faire de l’UE le cœur technologique et géopolitique du métavers

C’est un choix très géostratégique et extrêmement bien pensé. En effet, l’UE a toujours été considérée comme le continent en retard dans la numérisation du monde, se faisant subordonner par le pôle étasunien (Julien Nocetti qualifie l’UE comme une « colonie numérique » à cet effet). L’absence d’un mastodonte du numérique européen capable de rivaliser avec les GAFAM ou à défaut avec les BATX confirme cela.

De plus, l’UE est un marché riche de près de 500 000 consommateurs. Marché très protégé et très dynamique. Meta opère donc un choix très géopolitique que de faire de l’UE le cœur du développement de son métavers. En effet, la maison mère de Facebook a annoncé dans la foulée la volonté de créer 10 000 emplois en Europe, en l’espace de cinq ans (horizon 2026). Cela aura bien évidemment pour conséquence de nourrir la rivalité géopolitique du métavers puisque toutes les puissances rêvent désormais d’en contrôler les contours.

L’entreprise souhaite donc miser sur l’UE afin de valoriser ses nombreux atouts qui ont été jusqu’ici oubliés pour le secteur du numérique, à savoir : des universités parmi les mieux classées au monde, un vaste marché de consommation de 500 000 consommateurs, des entreprises qui sont à la pointe dans de nombreux domaines. 

Il s’agirait finalement d’une opportunité en or pour l’UE d’imposer ses normes à l’ensemble de la planète (et ainsi être la véritable « puissance normative » mondiale telle que le conçoivent Zaki Laïdi ou Ian Manners). Une régulation européenne mondiale qui se fonderait sur la liberté d’expression, le respect de la vie privée (dans la continuité du RGPD), les droits humains et la transparence. (Voilà de quoi faire une très belle accroche originale pour un sujet pourtant sur l’UE !)

Les enjeux géopolitiques du métavers

La création d’un tel cyberespace pose de nombreux enjeux géopolitiques. En effet, déjà que les enjeux du cyberespace actuel sont énormes, ose imaginer ceux du métavers.

L’enjeu étatique

Le premier enjeu est étatique. Le métavers veut offrir à ses utilisateurs un univers numérique parallèle et libre d’accès. Celui-ci aura la particularité de n’appartenir à personne et d’être sans aucune frontière. Les États se laisseront-ils se faire marginaliser par des entreprises qui pourraient remplacer la loi juridique par le code numérique et de fait, définir leurs propres règles ? En fait, le métavers s’inscrirait dans la continuité d’un monde post-westphalien qui efface de plus en plus les États, les rendant spectateurs (au profit d’acteurs non étatiques) et non plus acteurs des enjeux mondiaux.

L’enjeu de collaboration

La collaboration est également un enjeu non sans importance. Derrière la collaboration se cache l’enjeu de l’interopérabilité, cruciale pour la mise en place du métavers. Les différents acteurs à l’origine du métavers seront obligés de collaborer en profondeur pour faire voir le jour à cet énorme projet. Cela pourra notamment créer des logiques intéressantes de « coopétition » (coopération + compétition) entre des géants du numérique tels que les GAFAM ou les BATX, voire les deux mélangés.

L’enjeu d’influence

L’enjeu d’influence est sûrement l’un des plus majeurs de la géopolitique du métavers. Qui pourra dire qu’il est à l’origine du métavers ? Pour le moment, les États-Unis sont en tête grâce à Meta, et l’UE semble grandement sollicitée. En d’autres termes, l’Occident semble se présenter comme le promoteur du métavers. De fait, il est fort à parier que l’Occident implémentera sa propre conception du métavers.

Toutefois, la Chine n’a pas dit son dernier mot. En effet, le géant Tencent investit dans ce secteur depuis un certain temps aussi. Il nourrit également de grandes ambitions. En effet, créer un métavers « à la chinoise » serait l’occasion rêvée pour le pays de Xi Jinping de former enfin son monde sinocentré tant rêvé avec la stratégie BRI. Cela serait ainsi un moyen de s’opposer à l’influence occidentale, voire d’en conquérir son marché et ainsi de dominer la géopolitique du métavers.

L’enjeu de la protection des données

La question de la protection des données gagnera sans aucun doute en importance dans le métavers. Maintes questions restent aujourd’hui en suspens : comment seront traitées les données obtenues par les interactions et les activités des avatars du métavers ? Faudra-t-il définir de nouveaux droits humains pour protéger les personnes dans leur vie numérique, des « droits numériques » donc ? Pourra-t-on voir des « dark métavers » tout comme le dark Web actuel ? Existera-t-il des métavers indépendants, qui ne seront ni subordonnés ni soumis à aucune entreprise ou État ? L’UE aura probablement un grand rôle à jouer là-dessus pour enfin imposer des normes dignes d’une gouvernance mondiale numérique.

L’enjeu du hardware

Enfin, ne faut pas négliger l’enjeu du hardware. En effet, pour contrôler le software (partie numérique), il faut contrôler un hardware (partie physique : serveurs, systèmes de refroidissement, etc.). Afin de mettre en place un tel projet, la géopolitique du métavers se jouera d’abord sur le terrain bel et bien physique.

La géopolitique du métavers pourrait accentuer le découplage entre l’Occident et la Chine

Une telle logique se perçoit déjà pour le cyberespace actuel. Selon Thomas Friedman dans La Terre est plate : Une brève histoire du XXIᵉ siècle, le monde fait face à l’émergence de deux blocs géopolitiques (d’un côté l’Occident et de l’autre la Chine et ses pays voisins qu’elle influence directement) fondés sur des écosystèmes technologiques distincts. Un fossé conceptuel sépare donc les Occidentaux des Orientaux. On observe alors une bipolarisation et une double vision du cyberespace, et bientôt du métavers.

La vision occidentale se fonde plutôt sur la cybersécurité, comme on peut le voir avec la NSA ou encore l’alliance Five Eyes. Au contraire, la vision orientale veut privilégier la sécurité de l’information comme le prouve le « Great Firewall » de la Chine (grande muraille numérique de Chine), qui censure Internet un maximum à ses internautes chinois. La géopolitique du métavers apparaît donc très complexe à toutes échelles multiscalaires.

On peut donc imaginer cette vision s’appliquer au métavers. En effet, le métavers chinois pourrait apparaître très inquiétant puisqu’il pourrait très bien s’inscrire dans la continuité de ce que fait la Chine, à savoir le système de notation sociale avec des points. Le métavers serait donc un excellent moyen de pousser son système au maximum de son efficacité. En outre, si la Chine parvient à devenir leader de la construction du métavers global, elle pourrait alors imposer son système, donc sa vision du monde, à l’ensemble du globe.

J’espère que cet article t’aidera à mieux appréhender la géopolitique du métavers et ses enjeux, ainsi que tout ce qu’elle peut impliquer dans le futur, et qu’il t’aura expliqué pourquoi Facebook devient Meta. Avant de pouvoir te créer ton propre avatar et te balader dans le métavers, n’hésite pas à approfondir tes connaissances sur le cyberespace !