Costa Rica

Aujourd’hui, focus sur la question environnementale au Costa Rica. Si tu as un sujet sur l’environnement, à l’oral comme à l’écrit, le Costa Rica est l’exemple parfait pour construire une véritable réflexion sur la question. Notamment en l’opposant au manque d’efforts fournis par la plupart des pays latino-américains.

Surnommé « La Suisse d’Amérique latine », c’est un pays pionnier dans la protection de la paix et de la nature. Démocratique et pacifique, il n’a plus d’armée depuis 1948. Ce qui lui permet de dédier le budget d’État à la santé, à l’éducation et à la protection de l’environnement. Jusqu’à faire de sa nature préservée et de sa biodiversité exceptionnelle une véritable vitrine nationale.

En plus d’être en tête du classement des pays les plus heureux (cf. classement Happy Planet 2018 et 2019), le Costa Rica a réussi à placer les préoccupations environnementales au cœur de ses politiques économiques et décisions politiques. Le développement durable fait donc partie intégrante de l’ADN du pays. Ce qui lui a valu de nombreuses distinctions. Sa philosophie de « pura vida » (= vivre une existence pleine de vie, d’énergie et de positivité) semble réussir.

Mais quelle est la réalité derrière cette vitrine ? Le Costa Rica est-il réellement un paradis écologique ? Et s’il l’est, le restera-t-il malgré l’élection du nouveau président ?

La question mérite d’être posée, car Rodrigo Chaves Robles a récemment refusé de ratifier le nouvel accord Escazú (premier traité environnemental d’Amérique latine), qui garantirait pourtant la protection de l’environnement et de la santé des personnes.

Nous allons donc aussi étudier les progrès qu’il reste encore à effectuer ainsi que les défis à venir pour le Costa Rica.

I – Défendre l’environnement : un pari réussi et gagnant

L’origine de ce pari : parvenir à concilier respect de l’environnement et économie

Le pari était loin d’être gagné, car le Costa Rica abattait encore des arbres par milliers dans les années 1980 (100 000 hectares de forêt abattus chaque année pour cultiver café et bananes, piliers de l’économie). La décroissante rentabilité de cette activité au fil des années a déclenché un virage vers un modèle économique plus vert. Le gouvernement s’est prononcé en faveur du reboisement des forêts et a décidé de fonder son économie sur l’écotourisme.

Cela a fonctionné. Le tourisme durable représente ainsi 8 % du PIB national en 2019. Ce nouveau modèle économique est le moteur du progrès national. Il permet au Costa Rica de délivrer un message selon lequel développement durable et rentabilité économique peuvent aller ensemble.

En espagnol, tu peux joliment le dire de cette façon : « Su mensaje es que la sostenibilidad y el crecimiento pueden y deben ir de la mano ». Ainsi, depuis plusieurs décennies, le pays s’évertue à mener une série de politiques en faveur de l’environnement et place l’écologie au centre de ses priorités.

Dans cette optique, un grand nombre de mesures ont été prises à la fin du XXᵉ siècle

Dès 1988, le Costa Rica ancre la protection de l’environnement dans sa Constitution avec une loi qui déclare que « toute personne a le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré ». Cette loi montre l’attachement du pays aux valeurs écologiques et au respect de la biodiversité.

Dans les années 1990, le Costa Rica inaugure un programme de paiements pour services environnementaux (PSE) dans le cadre de sa lutte contre la déforestation. Grâce à ce programme, les propriétaires fonciers reçoivent des paiements directs lorsqu’ils adoptent des techniques qui affectent positivement l’environnement.

Le pays devient aussi l’un des premiers à créer son label de tourisme durable en 1997. Puis, une loi en 1998 confère à l’État une souveraineté complète en la matière. Le Costa Rica mène ainsi une politique active de protection de la biodiversité (qui se positionne en tête des objectifs nationaux).

Et le XXIᵉ siècle perpétue ces efforts

Un grand nombre d’initiatives ont été lancées au cours des vingt dernières années. Notamment celle des crédits carbone, qui sont devenus une spécialité au Costa Rica. Parmi ces initiatives, on peut aussi compter les grandes campagnes de sensibilisation qui ont été menées. Notamment « Limpia tu huella » (Nettoie ton empreinte) en 2016, qui incitait la population à réduire à la fois son utilisation de la voiture et sa consommation d’eau et d’électricité.

La période 2018-2022 (qui s’est déroulée sous la présidence de Carlos Alvarado) a elle aussi été particulièrement marquante dans le cadre de cette lutte. Guidé pendant ses quatre années de mandat par sa vision du futur du Costa Rica, Alvarado imaginait un pays où la mobilité serait basée sur des énergies non polluantes. Un pays où l’on pourrait respirer un air pur et dont les villes pourraient miser sur la technologie tout en maximisant le bien-être des individus.

Ainsi, il s’est engagé à réduire l’empreinte carbone de son économie et à mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles dans son pays. Cela est notamment passé par la création de transports en commun plus respectueux de l’environnement. Mais aussi par l’étude des villes qui pourraient devenir intelligentes (comme San José et Guanacaste) ou encore par le soutien accordé à l’agriculture soutenable.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

  • Ce pays de 5,1 millions d’habitants (2021) représente seulement 0,02 % des émissions au niveau mondial.
  • Aujourd’hui, 98,7 % de l’électricité du pays est produite à partir d’énergies renouvelables (eau, vent…).
  • La forêt couvre désormais 53 % du territoire du Costa Rica, contre 19 % en 1984.
  • Ce pays pourtant minuscule abrite actuellement 6 % de la biodiversité existant dans le monde.

Un pari internationalement reconnu comme réussi

  • Le magazine MIT Technology Review publie régulièrement un classement des pays les plus verts du monde, baptisé Green Future Index. Ce classement mesure le degré de pivotement des économies vers les énergies propres. Il place ainsi le Costa Rica en septième position (où il est le premier pays non européen et le premier hispanophone).
  • L’organisation REN21, spécialisée dans l’énergie durable, a souligné le travail réalisé par le Costa Rica dans son rapport publié en 2021. Dans celui-ci, le pays est considéré comme pionnier en matière de production d’énergie renouvelable sur la planète.
  • En 2019, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) déclare que le Costa Rica est un leader mondial en matière de développement durable. Le pays a ainsi reçu le prix « Champions de la Terre ». La plus haute distinction de l’ONU en matière d’environnement.

C’est donc un pari réussi pour le Costa Rica, qui ne cesse de se positionner en tête des classements.

II – Un pari qui en amène d’autres

De nouvelles perspectives

Le Costa Rica voit encore plus loin et c’est pour cela qu’un plan de décarbonation a récemment été mis en place. Le gouvernement espère atteindre d’ici 2050 zéro émission nette. Pour atteindre cet objectif, ce plan inclut des réformes sur les transports, l’immobilier, la gestion de l’énergie, la gestion des résidus ou encore sur l’usage de la terre. Mais il inclut également une disparition complète du plastique et un renoncement total au pétrole. Ce qui en fait un pari très ambitieux.

Destiné à devenir un des leaders mondiaux du zéro carbone dans l’économie, le Costa Rica est censé suivre les trois étapes suivantes pour y parvenir :

1) « Le commencement » (2018-2022), mené par Alvarado. Pour qui la décarbonation est la grande tâche de notre génération.

2) « Le virage » (2023-2030).

3) « Le déploiement massif » (2031-2050).

Le mantra du Costa Rica reste le suivant : « Notre pays est petit, mais il est audacieux. » (Alvarado)

De nouveaux défis

En plus des nouveaux objectifs à poursuivre, le Costa Rica se doit de conserver ses acquis. Il lui faut notamment faire face au nouvel enjeu soulevé par le ralentissement du tourisme vert. L’écotourisme a été un levier de développement central pour le pays, tant sur le plan économique qu’environnemental. Pourtant, aujourd’hui, il est menacé. Alors qu’on comptait trois millions de touristes en 2019, on n’en compte plus que 1,3 million en 2021 en raison de la Covid. Il est donc nécessaire de relancer le tourisme de la région.

Heureusement, plusieurs mesures possibles ont été évoquées (lors d’une discussion organisée en mars 2021 par l’OMC sur l’avenir du tourisme au Costa Rica) pour remédier à ce problème.

1) Améliorer la confiance des voyageurs.

2) Comprendre et suivre les nouvelles tendances du marché et les moteurs de la demande.

3) Continuer à faire monter en puissance l’enjeu de la durabilité, qui est bénéfique au modèle touristique du Costa Rica.

Reste à voir si ces efforts suffiront…

III – Des zones d’ombre subsistent malgré tout

Certaines actions climatiques sont insuffisantes

Un premier problème : le tribunal costaricain chargé des délits contre l’environnement est constamment débordé. Ce tribunal a été créé en 1995 pour résoudre les conflits, souvent d’ordre économique vs écologique. Or, les entorses à la ligne de conduite écologique sont nombreuses. À commencer par l’usage de pesticides et autres produits chimiques dans les cultures d’ananas et de bananes.

Selon l’Organisation mondiale pour l’alimentation (FAO), le Costa Rica se place même au premier rang mondial des pays utilisateurs de pesticides par hectare. Cette surcharge du tribunal de l’environnement est donc un véritable problème puisqu’elle ralentit les avancées du pays.

Autre fait venant entacher la capitale mondiale du vert : le traitement des eaux usées laisse encore à désirer. Seulement 14 % sont traitées et 70 % sont contenues dans des fosses septiques, venant parfois polluer l’environnement. Le pays a donc encore du chemin à parcourir.

N.B. : Le Costa Rica a cependant conscience de ce problème, car le gouvernement a fait entrer dans la législation un plan d’assainissement des eaux usées, avec pour but d’atteindre une gestion saine des eaux d’ici à 2045.

Et aujourd’hui le pays risque de tomber dans l’inaction

L’arrivée au pouvoir en mai 2022 du conservateur Rodrigo Chaves pourrait bien éteindre la flamme verte portée par le Costa Rica depuis des décennies. Davantage préoccupé par l’économie que par l’écologie, le nouveau président semble être prêt à tourner le dos à plusieurs décennies de politiques de protection de l’environnement si cela lui semble nécessaire.

Ses convictions l’ont récemment amené à refuser de signer l’accord d’Escazú. Accord qui avait pourtant fait naître beaucoup d’espoir, car c’était le premier au monde à introduire des dispositions spécifiques pour protéger les droits des défenseurs de l’environnement (cibles de nombreux assassinats en Amérique latine). Cet accord visait également à favoriser l’accès à l’information, la justice en matière d’environnement ainsi que la participation du public aux prises de décisions. Ce refus de Chaves est donc une désillusion pour beaucoup.

Pour Chaves, qui a été ministre de l’Économie et a travaillé à la Banque mondiale pendant près de 30 ans, la lutte contre le réchauffement climatique n’est donc pas une priorité. Son programme a d’autres impératifs : assainir les comptes et réduire le taux d’endettement qui s’élève à 71,2 % du PIB en 2021. Le président pourrait d’ailleurs tout à fait revenir sur les décisions de ses prédécesseurs afin d’exploiter à nouveau les richesses minières, le gaz et le pétrole, pour favoriser la croissance (déjà forte) du pays. En bref, le pays pourrait perdre « l’essence » de son modèle économique actuel.

Conclusion

Le Costa Rica est donc indéniablement un pays pionnier sur la question écologique, de par ses nombreuses mesures destinées à protéger l’environnement. Cependant, l’image que l’on a du Costa Rica comme « paradis écologique » relève parfois davantage de la politique touristique que de la réalité. En effet, le chemin est encore long. Il ne faut donc pas se reposer sur ses appuis, surtout à l’heure où Chaves est au pouvoir…

Merci d’avoir pris le temps de lire cet article ! Et si la question des politiques environnementales dans le monde hispanophone t’intéresse tout particulièrement, je t’invite à lire cet article pour approfondir 😉