Sport

Quelle que soit ta filière, nous te proposons un article sur l’importance du sport lors de la guerre froide, qui te sera utile pour bon nombre de sujets portant sur cette période. Ce sujet étant assez large, nous avons divisé la lecture en deux articles qui se suivent. Par conséquent, tu trouveras dans celui-ci le début du sujet (introduction et première partie de notre développement) et dans le second, la fin (II, III et conclusion). Bonne lecture !

Introduction

Pour comprendre toute la complexité de la question du sport dans la guerre froide, la figure d’Ágnes Keleti peut être très évocatrice. Cette grande gymnaste hongroise née en 1921 a fait la une de L’Équipe en 2021, ce qui montre l’importance encore dans le monde du sport de la guerre froide. Dans l’article que le quotidien sportif lui consacre, elle est présentée comme un archétype : celui de la championne qui gagnait sous un drapeau communiste qu’elle ne soutenait pas. À l’évocation de ce sujet, on peut saisir immédiatement trois grands enjeux.

  • International : une lutte du XXᵉ siècle. Ford dit à ce propos en 1974 : « Compte tenu de ce que représente le sport, un succès sportif peut servir une nation autant qu’une victoire militaire. » Cet enjeu diplomatique est aussi idéologique, notamment par la mise en avant d’un homme nouveau.
  • Local : le sport étant un moyen d’ascension sociale, qui permet, notamment dans le bloc de l’Est, de faire valoir des revendications par un nouveau biais.
  • Le sport comme loisir, à la fois à pratiquer et à suivre, c’est aussi un nouvel art de vivre qui est prôné.

Vers une professionnalisation du sport

Peu à peu, au cours du XXᵉ siècle, le sport se professionnalise, sa pratique se démocratise et il devient un enjeu majeur de la guerre froide. Chaque pays se spécialise dans certains domaines, révélant sa politique et reflétant la logique des blocs. L’URSS excelle dans les domaines très techniques, dans lesquels le geste, presque mécanique, a une importance cruciale. Quant aux USA, le système universitaire y joue un rôle majeur.

Lors de la guerre froide, cette professionnalisation du sport s’observe aussi dans tout ce qui entoure le sportif. Se développe une technicisation du sport, voire une médicalisation, si on pense à tous les scandales de dopage, d’un côté comme de l’autre du rideau de fer. Cela témoigne de l’importance naissante de l’économie du sport au cours de ces années. Ainsi, l’investissement des acteurs pour faire émerger des champions ou pour organiser de grandes manifestations sportives est massif.

Enfin, le sport, c’est du soft power. Avec la possibilité depuis le développement de l’arme atomique de se détruire mutuellement, la compétition apparaît comme un espace propice pour l’affrontement symbolique. On cherchera donc à savoir en quoi le sport apparaît comme un outil majeur des soft power américains et soviétiques au sein de la guerre froide.

I. Le sport est avant tout un loisir, à pratiquer et à suivre

A. Le développement du sport, un loisir à part entière

Tout d’abord, il faut souligner l’importance du sport dès la prime jeunesse des habitants des deux blocs comme un outil de santé. L’exemple des jeunesses communistes, les komsomols, créées en 1918, et notamment la place que ses dirigeants accordaient aux sports comme moyen de faire naître un homme nouveau peuvent être soulignés. On retrouve cela dans tous les grands régimes totalitaires du XXᵉ siècle. Dès les années 1930 apparaissent aussi des « Écoles sportives » en URSS, qui s’inscrivent dans des politiques massives de détection des champions. En 1948, on compte en URSS huit millions de licenciés et 20 millions dix ans plus tard. La construction de stades et d’infrastructures sportives s’intensifie aussi au cours de ces décennies. En 1948, en pleine phase de reconstruction, il y en a 517 ; en 1958, 1660.

Aux États-Unis, le sport de haut niveau est encadré majoritairement par le système des Universités. On peut à partir de 1945 rejoindre une université et obtenir des bourses au mérite sportif et non plus seulement scolaire. Apparaissent alors aussi des sports plus ou moins bourgeois et accessibles. Le basket ou le football sont beaucoup pratiqués dans la rue, respectivement aux États-Unis et en URSS, alors que le golf et l’escrime se distinguent comme des sports peu démocratiques.

B. Le sport comme fédérateur d’une nation

Le sport apparaît aussi comme un moyen d’unir une nation et donc tout un système politique. Alors que le sport national est le football américain aux USA, les Russes préfèrent investir dans des sports plus démocratiques comme le football ou le basket, pourtant sport national aux États-Unis. Un exemple paradigmatique de la qualité du basket soviétique est sans doute la finale des Jeux de Munich en 72, remportée par l’URSS 51-50 contre des Américains qui n’avaient jamais perdu aux Jeux olympiques jusqu’à présent.

En URSS, les compétitions de football permettent aussi de fédérer les différentes républiques avec par exemple la Coupe d’URSS de football, accessible exclusivement aux équipes de l’Union soviétique. Principalement disputée par les clubs issus des divisions soviétiques professionnelles, elle voit s’affronter les meilleurs clubs de toutes les républiques, qu’elles soient Arméniennes, Ukrainiennes ou Biélorusses. À l’échelle locale, l’omniprésence du sport dans le monde soviétique peut se constater par exemple à travers la ville de Moscou, qui compte pas moins de vingt clubs de football professionnels, comme le CSKA, le Lokomotiv, le Spartak ou encore le Dynamo.

Au contraire, les États-Unis semblent souvent développer davantage les sports individuels, ce qui entraîne la naissance et la médiatisation de grands champions comme Mohamed Ali en boxe ou Carl Lewis en athlétisme, certains y voyant un reflet de l’idéologie libérale. On compte cependant quelques grands champions en URSS, comme Sergueï Bubka au saut en hauteur ou bien le mythique gardien de but Lev Yachine.

C. Le sport, nouvel opium des peuples ?

Peu à peu, avec le développement du sport, on assiste à sa démocratisation au point que de plus en plus de monde se met à suivre le sport. La grand-messe du sport mondial, les Jeux olympiques, devient rapidement l’évènement le plus couvert médiatiquement.

Le sport dépasse même les compétitions sportives et devient un moyen de propagande de premier plan. L’exemple du film Rocky IV, plus grand succès de la série des films de Sylvester Stallone sur ce boxeur à l’ascension fulgurante, est en cela très évocateur. En effet, dans Rocky IV, le héros éponyme, Américain, affronte en URSS un champion soviétique réputé imbattable et finit par en venir à bout. Ce volet fit beaucoup parler de lui pour son message manichéen et ses relents de guerre froide pendant les années de présidence de Ronald Reagan.

Les moyens de diffusion sont aussi de plus en plus accessibles à tous, et si l’on voit le développement de la télévision à partir des années 1960, c’est surtout la radio et les journaux qui jouent les premiers rôles. Enfin, le développement des paris légaux permet la naissance d’une toute nouvelle industrie dérivée du sport.

Si la première partie de cet article t’a plu, n’hésite pas à aller consulter la suite du traitement du sujet qui est disponible dans le second volet !