droits

Cet article à destination des préparationnaires littéraires propose d’étudier la relation entre les droits de l’homme et la guerre froide. De quoi alimenter en exemples tes copies.

 

Introduction

« Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit », selon René Cassin.

Les droits de l’homme désignent le fait que tout être humain a des droits « inhérents à sa personne, inaliénables et sacrés », et donc opposables en toutes circonstances à la société et au pouvoir.

Deux courants de pensée se forment sur l’évolution des droits de l’homme internationaux : la thèse de la longue durée, qui n’observe pas de lien précis entre guerre froide et avènement des droits de l’homme (transformation progressive), et la thèse de la rupture radicale, plus probable, qui identifie une véritable percée des droits de l’homme lors de la guerre froide.

Cette expression désigne l’affrontement indirect des superpuissances américaines et soviétiques, mais aussi la rivalité idéologique et la période de l’histoire où se dessine un monde bipolaire, par des affrontements prenant des formes variées, dont les droits de l’homme.

Comment les droits de l’homme sont-ils devenus un enjeu majeur de la guerre froide ? Dans quelle mesure se sont-ils transformés en un terrain d’affrontement de la guerre froide ? Peut-on en rester à l’opposition entre les États-Unis, figure de proue du mouvement des droits de l’homme, et l’URSS, qui les transgresse supposément ?

 

I) Les causes directes et les premières manifestations des droits de l’homme comme enjeu de la guerre froide

A) Les conséquences de la Seconde Guerre mondiale et la Charte de l’ONU

En 1945, la Conférence de San Francisco pour la Charte des Nations unies réaffirme la « foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine », et engage tous les États membres à promouvoir « le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». Il s’agit donc de la reconnaissance de linterdépendance des droits de lhomme et de la paix.

Par ailleurs, la découverte des camps d’extermination nazis suscite lhorreur de tous. Ainsi, l’article 68 de la Charte permet la création de la Commission des droits de lhomme chargée de soumettre un projet de Charte des droits de l’homme.

 

B) La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)

Douze membres de la Commission des droits de lhomme ont la charge de rédiger la DUDH, sous l’égide d’Eleanor Roosevelt et de René Cassin. La future Charte est érigée en triptyque. La DUDH au centre et, de part et d’autre, le pacte obligatoire et les mesures. Cela permet un équilibre entre les deux catégories de droits : civils et politiques (liberté de pensée, de conscience, de religion, d’opinion, de réunion), d’une part, économiques et sociaux (au travail, à des conditions d’emplois justes et favorables), d’autre part.

Cette Déclaration est signée par 48 nations, avec seulement huit abstentions : Afrique du Sud, Arabie saoudite, Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, URSS, Yémen, Honduras. Elle est traduite dans plus de 300 langues et est l’instrument des droits de l’homme le plus renommé. Les droits inscrits dans la DUDH ont été complétés et érigés en normes internationales obligatoires grâce à l’adoption en 1966 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Cependant, la Déclaration est sans véritable portée juridique en tant que telle, ce texte est une proclamation de droits. Par conséquent, il n’a qu’une valeur déclarative. Il permet d’exprimer le consensus de la communauté internationale autour des vainqueurs se recommandant de la philosophie des droits de l’homme.

 

C) La mobilisation des organisations intergouvernementales et non gouvernementales

Les organisations intergouvernementales sont actives dans le domaine des droits de l’homme : Conseil de l’Europe, l’Union africaine, l’Organisation des États américains et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950).

Aussi, les organisations non gouvernementales (ONG) sont activement impliquées dans la promotion et la protection des droits de l’homme. Elles ont un rôle de « chiens de garde » en cas de non-application des instruments existants des droits de l’homme et de catalyseurs pour faire évoluer progressivement la législation des droits de l’homme. Il s’agit par exemple d’Amnesty International ou de Human Rights Watch.

Ces actions répondent à un double défi. D’une part, une initiative des Alliés avec la DUDH pour éviter la répétition des violations des droits fondamentaux et, d’autre part, la réponse à l’émergence du stalinisme en Europe orientale et balkanique. En effet, en octroyant des libertés, les Alliés cherchent à inciter les citoyens des états membres du Conseil de l’Europe à résister au communisme.

 

II) La constitution d’un terrain d’affrontement des droits de l’homme par la bipolarisation

A) Les États-Unis se présentant comme leaders du respect des droits de l’homme

Les États-Unis voient la défense des droits de l’homme comme leur mission messianique : champion de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme. Cela est résumé par cette phrase de Truman : « Il est temps de ranger les États-Unis dans le camp et à la tête du monde libre. » Par exemple, la résolution Vandenberg offre 400 M$ d’aide à la Turquie et à la Grèce le 22 mai 1947.

Aux côtés des États-Unis, l’Europe occidentale, berceau des droits de lhomme, cherche à les introduire dans leurs politiques étrangères spécifiques. Ainsi, en 1975, l’Acte final de la conférence d’Helsinki vise à promouvoir des droits de l’homme et à autoriser la libre circulation des hommes et des idées dans le monde.

 

B) L’URSS, principale responsable des violations aux droits de l’homme ?

La doctrine soviétique en matière de droits de l’homme est fixée dans un discours de Jdanov du 22 septembre 1947, lors de la première conférence du Kominterm. Pour C. Leclercq, la doctrine marxiste fondée sur la lutte des classes affirme que la notion de droits individuels marque le pouvoir de la classe dominante. Elle encourage plutôt les libertés « concrètes », dont la réalisation incomberait au régime collectiviste.

Ainsi, l’insurrection de Budapest a fait apparaître pour la première fois le caractère oppressif et brutal des régimes communistes. Autre exemple : après le Printemps de Prague (1968), la Tchécoslovaquie sous l’autorité d’un Parti communiste qui mène une répression sévère des dissidents.

Le 1er janvier 1977 est publiée la Charte 77, qui demande le respect de la Constitution du pays et de l’acte final des accords d’Helsinki. Le texte est signé par des « adversaires idéologiques » (Jan Patocka, Vaclav Havel). Ils sont poursuivis et arrêtés. Ce mouvement est à l’origine de la révolution de velours de 1989. Havel devient président de la République tchécoslovaque. La Charte 77 prend fin le 3 novembre 1992.

L’URSS finit par utiliser les droits de lhomme avec la Glasnost (ouverture), pour maintenir la cohésion du parti, se démarquer de ses adversaires politiques et faciliter le réinvestissement économique de l’Europe de l’Est.

 

C) La formation d’un véritable terrain d’affrontement

En s’appuyant sur les accords d’Helsinki et la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, les États-Unis pointent les atteintes aux droits de l’homme en URSS. Ils s’appuient sur les arrestations des dissidents Andreï Sakharov et Natan Sharansky et les freins à l’émigration des citoyens soviétiques juifs. Les Soviétiques protestent contre l’ingérence dans leurs affaires intérieures et menacent de rompre les négociations sur le désarmement. C’est la première fois depuis le début de la guerre froide que l’URSS se trouve confrontée à des attaques directes sur la légitimité de son modèle.

Pendant la guerre froide, les deux blocs s’affrontent sur ce terrain des droits de lhomme, considérés par les uns comme essentiels, les autres jugeant la défense des droits économiques et la lutte contre les inégalités sociales comme primordiales. De ce fait, la défense des droits humains devient un argument politique et idéologique utilisé contre un adversaire.

 

III) Un terrain d’affrontement des droits de l’homme plus complexe que la simple opposition URSS/États-Unis

A) L’éducation et les médias permettent de dépasser l’affrontement classique entre l’URSS violant les droits de l’homme et les États-Unis qui les défendent

Un niveau supérieur d’instruction et le développement des moyens modernes d’information donnent un poids nouveau à l’opinion publique mondiale. Le centre de gravité du pouvoir se déplace.

Il s’agit par exemple de l’hégémonie américaine sur la diffusion de la culture (Voice of America), servant de propagande. G. Smith signale une « contradiction insoluble » : « Comment les États-Unis pouvaient-ils promettre de respecter le droit de chaque nation à déterminer son propre mode de vie et en même temps insister pour que ce mode de vie imite l’idéal américain ? »

Un exemple flagrant est la guerre du Vietnam. Après l’offensive du Têt (5 000 maisons détruites, 24 000 blessés parmi les civils), les médias dénoncent les agissements des États-Unis (dont le bombardement au napalm photographié par Nick Ut en 1972 est un symbole). Cela entraîne une mobilisation internationale (hippies), des révoltes contre la « sale guerre » sur les campus universitaires. Les États-Unis transgressent aussi les droits de l’homme et de nouveaux acteurs se mobilisent.

 

B) Nouvelles luttes et nouveaux acteurs : les droits de l’homme de 3e génération

Finalement, de nouvelles luttes émergent : les droits des femmes (Manifeste des 343, Convention sur les droits politiques de la femme de 1953), les droits des personnes noires (apartheid).

De nouveaux acteurs permettent aussi de sortir de la bipolarisation : les pays du tiers-monde, les artistes, les intellectuels, les pays opprimés. Par exemple, l’Appel de Stockholm contre l’arme atomique (1950), un Comité mondial pour la paix, à l’initiative de Joliot-Curie, qui lance une pétition pour exiger « l’interdiction absolue » du recours à cette arme. Cette pétition est signée par Aragon, Picasso, Ellington, Neruda, Prévert.

Certains de ces nouveaux acteurs sont récompensés par le prix Nobel de la Paix : R. Cassin (1968), Sakharov (1975), Amnesty International (1977), L. Walesa (1983).

 

Conclusion

Venant du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, les droits de l’homme sont devenus un enjeu de la guerre froide à travers des accords internationaux, soulignant leur importance clé. Les droits de l’homme vont jusqu’à devenir un terrain d’affrontement de la guerre froide entre l’URSS et les États-Unis. De nouveaux acteurs s’emparent de la lutte pour les droits de l’homme, en lui donnant de nouvelles dimensions.

« La paix, la tolérance, le respect mutuel, les droits de l’homme, l’état de droit et l’économie mondiale ont tous également souffert des actes terroristes », a dit Kofi Annan, diplomate ghanéen. Ainsi, il serait intéressant de réfléchir à propos des nouvelles menaces aux droits de l’homme, comment réagissent les pays récemment sortis de la guerre froide face à ces attaques terroristes ?