I – Le sujet

Faire parler un texte.

II – Statistiques

D’après le site de la BCE

III – Le rapport

La moyenne générale des 7633 copies corrigées est de 10,11. L’écart-type est de 3,72. La moyenne est à peu près la même que celle des années précédentes, ainsi que la répartition des notes. 3919 copies ont eu une note égale ou supérieure à 10. 1011 copies ont obtenu une note égale ou supérieure à 15.

Le thème de l’année, La parole, appelait les candidats à ne pas se limiter à accumuler des connaissances sur le langage en général, et à s’interroger sur ce qui fait la spécificité de la « parole », et sur ce qui la distingue, par exemple, de l’écriture. Le sujet proposé, Faire parler un texte, leur permettait par conséquent, à l’occasion du traitement d’une question précise, de mobiliser les réflexions qu’ils ont pu conduire et approfondir, tout au long de l’année, sur la nature de la parole. Pour cela, il ne fallait pas identifier trop rapidement « faire parler un texte » et « interpréter un texte ». Trop de candidats ont cru qu’on leur demandait de traiter de la question de l’interprétation en général (sans distinguer, par exemple, l’interprétation d’un texte de celle d’une parole, et sans se demander si « faire parler » se réduit simplement à « donner un sens » ou à « faire comprendre »). Partant de là, la question du rapport entre la parole et l’écriture n’était pas posée, et certaines copies se sont contentées de disserter sur la question des conditions de la compréhension en général, passant ainsi à côté du sujet. Inversement, d’autres candidats ont substitué au traitement du sujet un exposé général sur le rapport entre parole et écriture (la parole est-elle supérieure à l’écriture ? N’est-ce pas plutôt l’inverse ? Ou sont-elles d’égale valeur ?). Autre façon de passer à côté du sujet, et de ne pas s’interroger sur le paradoxe qu’il y a à faire « parler » un « texte », sur ce qui rend utile ou nécessaire un tel projet, et sur ses limites.

Rappelons donc qu’il est nécessaire, avant de s’engager dans le traitement d’un sujet, d’en analyser les termes, et de ne pas se fier trop vite à la première idée que suggère une lecture précipitée de son libellé. C’est cette analyse qui a souvent permis aux meilleures copies de se distinguer, par exemple en distinguant les différentes dimensions possibles de l’acte de « faire parler », et les différentes significations que peut prendre cette expression (rendre un texte « présent », le rendre « engagé », ou encore « à propos », le faire « (re)vivre » ou au contraire lui imposer la violence d’une interprétation qui lui est extérieure, lui restituer son caractère personnel, etc.), ou encore en distinguant l’action par laquelle le lecteur ou l’interprète d’un texte le « fait parler » de celle par laquelle son auteur le rend « parlant ». C’est à partir d’une telle analyse préalable du sujet que pouvait se construire une problématique maîtrisée et cohérente.

Les candidats ont su, comme les années précédentes, mobiliser un grand nombre de connaissances et de références, tant littéraires que philosophiques. Les copies véritablement indigentes sont rares. Cela témoigne, dans l’ensemble, d’un travail sérieux de préparation de la dissertation de culture générale, travail qu’il faut saluer. Rappelons cependant une fois de plus aux candidats dont le travail n’a pas toujours permis d’obtenir une note satisfaisante, que seul l’usage réfléchi de références bien assimilées par une lecture personnelle active et exigeante, qui ne se réduit pas à la sélection et à la mémorisation hâtive d’extraits isolés de leur contexte, peut donner lieu à leur utilisation intelligente et pertinente dans une dissertation.

C’est ainsi par exemple que la profonde réflexion sur la parole, dans ses rapports avec l’écriture, que mène Platon dans le Phèdre (en particulier par le biais du mythe de Theuth, à la fin du dialogue), a donné lieu, dans les meilleures copies, à des développement brillants. Mais dans bien des cas, cette référence à Platon se réduit à un résumé de deux lignes (condamnation de l’écriture, car elle est « morte » alors que la parole est « vivante »), sans autre fonction que doxographique, faute d’un vrai travail d’assimilation du sens et de la portée de la thèse citée. Rappelons aux candidats qu’il ne suffit pas, pour réussir au concours, d’apprendre des citations : il faut que leur mémorisation soit l’effet d’un travail de réflexion et d’approfondissement (en relation avec la révision des cours et les lectures personnelles), condition de leur véritable assimilation, et de leur usage intelligent dans une copie.

Les références insuffisamment approfondies sont souvent associées à des plans dans lesquels les idées sont simplement juxtaposées, sans argumentation suivie. Le plan général est parfois une simple succession de « cas » (au cas où il est nécessaire de faire parler un texte succède, par exemple, le cas où c’est impossible, puis, dans une troisième partie, le cas où ce serait « nuisible »), ou encore un exposé des avantages et des inconvénients (de faire parler un texte), du « pour » et du « contre ». À l’intérieur de chaque partie du développement, les exemples, « arguments » ou citations sont eux-mêmes juxtaposés sans être soumis à un examen critique. Cette démarche qui consiste simplement à « placer » des idées et des citations, en se contentant de les classer en trois groupes (un par « partie » du développement) conduit à se dispenser de réfléchir à ce qu’on écrit (le but n’étant pas alors de se demander si ce que l’on dit est vrai, ou simplement défendable, ni si les arguments mentionnées sont réellement pertinents, mais de remplir la copie du plus grand nombre possible d’idées ou de références). Il en résulte parfois bien des affirmations que la moindre réflexion aurait suffi à écarter. Cela conduit d’autre part inévitablement à des incohérences : comment ne pas se contredire, en effet, lorsque l’on multiplie les affirmations dont la valeur et les conséquences n’ont pas été mesurées ? Le souci de cohérence est essentiel, dans une dissertation, et est inséparable du souci d’assumer ce que l’on écrit, d’en être l’auteur et d’en répondre, ce qui conduit à réfléchir à ce que l’on écrit. Cela est évidemment incompatible avec la pratique du « collage » de références et de citations dont la présence ne serait justifiée que par la nécessité de remplir une copie et de montrer que l’on a des « connaissances ».

Ces quelques remarques sur des défauts de méthode que l’on a pu repérer, cette année encore, dans certaines copies, ne doit pas faire oublier le plaisir que le jury a eu, cette année comme les précédentes, à lire un grand nombre de bonnes et d’excellentes copies (dont 45 ont obtenu, sans qu’il soit nécessaire de forcer les choses, la note de 20), sachant allier la richesse et la précision des références à l’intelligence et à la pertinence de la réflexion.