Il y a quelques mois, alors que tu t’interrogeais sur ton orientation, galérant à comprendre comment marche Parcoursup, tu as eu une révélation. Que cette décision te soit venue spontanément ou que tu l’aies mûrement et longuement réfléchie, tu as franchi un cap et décidé de faire un choix audacieux : te lancer dans une folle aventure de deux ans en prépa. Je m’adresse ici à tous les jeunes économistes, familiers depuis trois ans maintenant de la main invisible d’Adam Smith, du multiplicateur keynésien, des avantages comparatifs de Ricardo et j’en passe : si tu as choisi de faire une prépa ECE, c’est que l’éco, c’est ton truc – du moins il vaut mieux parce qu’avec 8 heures par semaine, le temps va te paraître long sinon. Sans pour autant avoir eu 20 au bac ni avoir lu tous les Alter Eco depuis 15 ans, si tu as décidé de faire une prépa, c’est que cette discipline t’intéresse, que tu es resté sur ta faim en terminale et que tu as envie de toujours plus en apprendre sur le chômage, les politiques structurelles et les crises financières. Tour d’horizon de tout ce qu’il faut savoir sur l’ESH – Economie Sociologie et Histoire – en prépa, et comment se mettre dans le bain le plus vite possible.

L’ESH c’est quoi ?

Première information pratique, tu en auras 6 heures par semaine, plus deux heures d’économie approfondie (sur laquelle on ne s’attardera pas dans cet article). Comme son nom l’indique, l’ESH mêle plusieurs disciplines. Elles ne sont pas à séparer les une des autres, mais plutôt à envisager avec complémentarité. En d’autres termes, les cours de SES que tu as suivis au lycée t’ont exposé des idées générales sur différentes réalités économiques/sociologiques. En prépa, tout ce que tu apprendras en économie/sociologie sera replacé dans une perspective historique, ce qui donnera une vraie consistance aux idées et théories que tu apprendras. Grosso modo, la période chronologique au programme s’étend de la Révolution Industrielle à aujourd’hui. Mon premier conseil : achète toi dès cet été un des manuels de cours que ton futur prof t’a recommandé (s’il ne l’a pas fait, demandes en un en librairie, ils savent de quoi il s’agit) afin d’avoir une première idée de ce que tu feras en cours.

Comment est-ce évalué ?

Comme tu le sais sûrement, tu seras amené à passer un concours pour entrer en école de commerce à l’issue de ces deux ans de travail acharné. Et dans ces concours, l’ESH occupe une place très importante (entre 17 et 27% des coefficients selon les écoles que tu présenteras, soit à peu près le poids des SES au bac), ce qui rend indispensable de s’y préparer au mieux. L’ESH au concours c’est quoi ? Il s’agit d’une dissertation. Quelles différences avec le bac ? 2 principales. La première différence est de taille : tu n’auras aucun document pour t’aider à traiter le sujet. Ta dissertation s’appuiera uniquement sur tes connaissances personnelles. Deuxième différence : les sujets que tu auras à traiter auront – plus ou moins selon les sujets – une portée historique, qui pourra être explicite ou implicite. Exemple : l’un des sujets tombés à la banque d’épreuves Ecricome cette année était « Depuis les années 1980, la mondialisation est-elle responsable du chômage dans les pays avancés ? » (le cadre historique est explicite), tandis que le sujet tombé à l’ESSEC était « La guerre des monnaies » (ici, le sujet fait implicitement allusion aux années 1930, et au parallèle qu’on pouvait faire avec la situation actuelle). Plus globalement, les sujets que vous aurez sont beaucoup plus concrets que ce que tu avais jusqu’à maintenant. On ne te demandera pas si, de toute éternité, les facteurs travail et capital sont les seules sources de la croissance en répondant par des idées abstraites, mais bien de t’interroger sur des faits passés, sur leur actualité et sur les enjeux de notre société d’un point de vue économique et social. Ainsi il sera nécessaire de bien connaître le cours pour bien saisir tous les enjeux posés, explicitement ou non, dans un sujet, mais pas suffisant. Le jour J – et avant ça à tous les DS – il te faudra comprendre toutes les implications d’un sujet pour définir une problématique et la démontrer, donc au-delà des connaissances que tu auras acquises et appris à recracher – comme en histoire-géo en terminale – l’idée c’est de montrer que tu sais réfléchir et que tu saisis toute la portée d’un sujet (on y reviendra plus précisément dans un article à venir). Il n’en reste pas moins que l’apprentissage du cours et son approfondissement n’est pas un luxe. Tu devras emmagasiner un grand nombre de connaissances grâce à une bonne méthode de travail et une organisation rigoureuse.
Comment travailler l’ESH ?
La première chose à savoir, c’est que l’apprentissage de ton cours ne représentera qu’une partie de ton travail, et pas la plus importante. Il s’agit d’un préalable indispensable : tu gagneras beaucoup de temps à relire régulièrement ton cours. Une légende affirme qu’un étudiant a déjà relu son cours tous les soirs pendant deux ans mais elle n’a jamais été confirmée. Si tu as la foi de le faire, c’est que tu es un champion toute catégorie, mais c’est à toi de voir quel est ton rythme de relecture et d’apprentissage (il vaut quand même mieux éviter de relire son cours une fois tous les 3 mois). Le rythme en prépa est assez intense, il est donc important de bien s’organiser par rapport à ça. L’autre grosse partie du travail est moins fastidieuse que l’assimilation du cours ; elle consiste à rechercher un maximum d’informations en rapport avec le programme. C’est un travail assez large ; cela inclut en premier lieu le suivi de l’actualité économique – presse, radio, TV généralistes. Il s’agit aussi de lectures et d’écoutes respectivement d’articles et d’émissions plus spécialisées dans l’économie. Dans l’optique des dissertations, il est également important de disposer de chiffres, voire de citations à replacer dans une copie. Lorsque tu tombes, dans un article ou dans une émission, sur un chiffre, une citation ou une idée qui te paraît pertinent, il peut être utile de le noter et de pouvoir l’associer le temps venu à un sujet de dissert. Après avoir fait tout ça, c’est à toi de voir comment tu travailles. Si tu as l’habitude de faire des fiches par exemple, tu aurais intérêt à en faire sur ce que tu auras lu et entendu qui t’aura semblé pertinent dans le cadre du cours d’ESH, et ce dès le début pour pouvoir adopter un rythme de croisière. Dans tous les cas, le travail de recherche ne doit pas empiéter sur la révision du cours : ce dernier constitue le minimum syndicale pour faire une dissert, les infos personnelles que tu as récoltées sont une plus-value. Ainsi il est préférable de lire et visionner des vidéos une fois l’essentiel du boulot fait (en ESH et dans les autres matières). Ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que tu travailles pour passer des concours, c’est-à-dire que tu ne cherches pas à avoir une note plancher, mais la meilleure possible pour humilier la concurrence, la piétiner, l’anéantir. Cela a deux implications principales. D’une part, tu ne peux pas te permettre de travailler inutilement. Les informations que tu collectes doivent pouvoir te servir pour les concours (cela s’applique pour toutes les matières). Soyons clairs : rien ne t’empêche pendant ces deux ans de t’intéresser à des choses qui n’ont rien à voir avec la prépa, bien au contraire ! Il s’agit plutôt de ne pas t’éparpiller dans ta quête d’infos : ne va pas apprendre par cœur les taux d’inflation successifs du Burkina Faso depuis son indépendance. Lorsque tu fais des recherches pour tes cours d’ESH, tu dois retenir quelque chose qui pourra te servir pour une dissertation – pas de panique, tu apprendras à repérer ce genre d’informations avec l’expérience ! D’autre part, il faut être capable de te distinguer des autres dans tes copies, c’est pour cela que le travail de recherche est important : tu peux découvrir des citations et des idées peu communes qui feront la différence dans une copie. C’est avant tout dans cette optique là que tu dois travailler, avec une méthode qui t’est propre.

Voilà à peu près l’essentiel de ce que tu dois avoir en tête concernant l’ESH. Il est possible que tes premières notes n’aient rien à voir avec celles que tu avais au lycée. Tu ne dois surtout pas te décourager pour ça, il te faudra rester persévérant et croyant dans ta méthode de travail, et la routourne tournera en ta faveur. Dans le cas où, au contraire, tu découvrirais d’emblée ta vocation de major, ne te repose jamais sur tes lauriers et cherche à faire encore mieux, c’est aussi ça la prépa !
Bon courage à toi, ces deux ans ne seront pas toujours facile, mais tu ne les regretteras pas !

Outils utiles

Presse : La presse quotidienne en général, cela dépend de toi, après il y a des journaux comme Les Échos ou La Tribune qui sont spécialisés dans l’économie.

Radio :

Europe 1 : l’édito éco (22h13, du lundi au vendredi pendant 3 minutes)

Europe 1 : le débat éco (8h30 le dimanche pendant 9 minutes)

France Culture : l’économie en questions (12h00 le samedi pendant 30 minutes)

France Info : toute l’info, toute l’éco (6h55 du lundi au vendredi pendant 5 minutes)

France Inter : on n’arrête pas l’éco (9h15 le samedi pendant 45 minutes)

Magazines spécialisés :

Alternatives économiques (mensuel) : c’est un magazine grand public donc facile d’accès, et intéressant. Le revers de la médaille, c’est que lire alter éco ne suffit pas pour remplir des dissert. Les idées défendues par les auteurs, qu’on y adhère ou non, doivent être utilisées avec précaution dans les dissert (demande conseil à ton professeur).

Cahiers Français (6 numéros par an) : un numéro porte presque exclusivement sur un thème (environ 70 pages). Exemples : « Quel avenir pour la protection sociale ? », « La place de l’État aujourd’hui ». A cela s’ajoutent deux questions sur l’économie différentes du thème, plus un article sur un sujet de société (la laïcité, le clivage gauche/droite …). Cette revue est très bien pour réviser ou compléter un thème particulier.

Problèmes Économiques (22 numéros par an) : il s’agit d’une compilation d’articles collectés dans diverses revues autour d’un sujet précis. Les hors-série (sûrement les plus utiles pour travailler) ne sont pas très différents des numéros de Cahiers Français.

Sites internet :

http://cib.natixis.com/research/economic/publications.aspx?lang=fr Des notes rédigées quotidiennement par l’économiste Patrick Artus sur des thèmes économiques très variés (mais assez axées sur la politique monétaire). Il y met en avant certains arguments, tous illustrés par des graphiques et des tableaux. Cela te laisse beaucoup de chiffres à disposition dont tu pourras te servir pour tes dissert.

http://www.xerficanal-economie.com/ Des vidéos plus ou moins longues (entre 3 et 30 minutes) portant sur des thèmes d’actualité ou mettant en scène des auteurs renommés venus présenter leurs nouveaux livres.

Garde à l’esprit que ces lectures ne sont, en dépit de leur caractère valorisant en dissertation, que complémentaires. Face à la charge conséquente de travail (le programme d’ESH est très dense, sans compter qu’il faudra assurer de front cinq autres matières), il sera préférable de ne pas trop t’éparpiller. Sélectionne avec parcimonie celles qui te semblent les plus intéressantes et essaye tant que possible d’assimiler ces moments de consultation à des « pauses ». Rien de tel qu’une petite podcast sur les taux directeurs de la FED (Réserve Fédérale des Etats-Unis) en te brossant les dents.

Les sujets tombés

Ecricome 2015, sujet 1: L’euro : d’où vient-il ? Où mène-t-il ?

Sujet 2 : La globalisation financière a-t-elle amélioré l’allocation du capital depuis les années 1980 ?

ESCP 2015 : Peut-on considérer que la concurrence constitue le véritable moteur de la croissance économique ?

ESSEC 2015 : Croissance et inégalités.

HEC 2015 : Institutions et développement depuis le début du XIXe siècle.

Ecricome 2016, sujet 1 : Qu’est ce qu’une bonne gouvernance d’entreprise ?

Sujet 2 : Depuis les années 1980, la mondialisation est-elle responsable du chômage dans les pays avancés ?

ESCP 2016 : La mondialisation peut-elle expliquer les mauvaises performances économiques et sociales d’une pays ?

ESSEC 2016 : La guerre des monnaies.

HEC 2016 : Les États ont-ils encore à arbitrer entre le chômage et l’inflation ?