Les crypto-monnaies : nouvel enjeu pour les banques centrales ?

En juin dernier, le président du Salvador, Nayib Bukele, a décidé d’adopter le Bitcoin comme monnaie officielle. Cette mesure inédite illustre l’accélération du processus de dématérialisation de la monnaie. Actuellement, il existe plus de 2 400 cryptomonnaies utilisées par plus de 55 millions de personnes. Ces cryptomonnaies sont des devises numériques qui permettent de régler des transactions sur Internet. Elles séduisent de plus en plus d’agents économiques, mais les Banques centrales les observent d’un œil méfiant. Certaines, comme la Banque d’Angleterre, souhaitent créer leur propre cryptomonnaie pour devancer les agents privés et mieux réguler ces monnaies virtuelles.

La cryptomonnaie, c’est quoi ?

Actuellement, la cryptomonnaie est un nouveau moyen de paiement virtuel créé et utilisé par des agents économiques privés. Selon l’Institut national de la consommation (INC), une cryptomonnaie est « une monnaie virtuelle qui repose sur un protocole informatique de transactions cryptées et décentralisées, appelé blockchain ou chaîne de blocs ». Concrètement, si deux agents économiques veulent effectuer une transaction sur un site Internet, ils peuvent utiliser une cryptomonnaie plutôt qu’une devise classique. Une cryptomonnaie peut donc, sous certaines conditions, faire office de monnaie*.

Pourquoi vouloir contourner les devises traditionnelles ? Si les cryptomonnaies sont utilisées comme intermédiaire des échanges, elles peuvent aussi être des sources potentielles de revenus. Il est possible de spéculer sur leur cours et de réaliser des plus-values car leur valeur est très volatile. Mais surtout, les cryptomonnaies échappent à toute régulation puisqu’elles sont privées. Par conséquent, les transactions réalisées en cryptomonnaie sont intraçables.

* La plupart des économistes ne considèrent cependant pas les cryptomonnaies comme des vraies monnaies car elles ne respectent pas les trois fonctions de la monnaie qu’Aristote définit dans « De la Politique » : intermédiaire des échanges, unité de compte et réserve de valeur.

La cryptomonnaie : un phénomène durable dans le temps ?

Prédire l’avenir est difficile mais la cryptomonnaie semble s’ancrer dans un processus de long terme : celui de la dématérialisation de la monnaie. En France, dans les années 1970, 60 % des transactions étaient effectuées en monnaie scripturale, contre 95 % aujourd’hui. Les cryptomonnaies s’inscrivent dans la continuité de cette tendance de long terme. L’omniprésence d’Internet leur donne plus de visibilité et de poids. En deux ans, le volume des transactions journalières en Bitcoin a doublé, ce qui laisse présager une montée en puissance continue des cryptomonnaies.

Quel est l’enjeu pour les Banques centrales ?

Tout d’abord, les cryptomonnaies sont aujourd’hui très peu fiables car leur cours fluctue constamment. Il n’y a qu’à voir l’effet d’un tweet d’Elon Musk*. La création d’une cryptomonnaie par une Banque centrale, institution génératrice de confiance, permettrait d’assurer la stabilité de la cryptomonnaie. Elle pourra alors davantage être considérée comme une véritable monnaie. Ensuite, pour reprendre le contrôle des transactions, les Banques centrales ont tout intérêt à créer leur propre monnaie virtuelle. Elles pourraient alors retrouver leur fonction de régulation, de réglementation et de stabilisation.

Dans ce contexte, la BCE a lancé en juillet 2021 la « phase d’investigation » de son euro numérique. D’ici trois ans minimum, elle le proposera comme substitut aux cryptomonnaies existantes. Le but de la BCE est de proposer une vraie monnaie virtuelle aux agents économiques. Mais la BCE n’est pas la seule à vouloir créer sa propre monnaie virtuelle. La Fed, la Banque de Chine ou la Banque d’Angleterre y travaillent aussi. La cryptomonnaie est le nouvel enjeu des Banques centrales si elles veulent retrouver leur souveraineté et proposer de nouveaux moyens de paiement fiables et numériques à leurs clients. Cette arrivée des agents publics sur le marché des cryptomonnaies sera à observer avec attention…

* En juin 2021, Elon Musk a annoncé que Tesla acceptera les paiements en Bitcoin, ce qui a fait monter le cours de 9 %.