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Ces trois principaux krachs financiers du début des années 2000 sont un prélude à la crise de 2008 et la préparent. Ils montrent également les conséquences de l’action de la banque centrale sur les marchés financiers et les nombreuses failles de ces marchés. 

 

Krach d’octobre 1987

Le lundi 19 octobre 1987, après un été très agité dans le marché, et un vendredi où le Dow Jones (DJ) perd 4%, les marchés sont en panique et le DJ s’écroule. Au cours d’une seule séance, il a enregistré une baisse de 22,6%. C’ est du jamais vu (à titre comparatif la plus grosse baisse s’établissait  12%). En deux jours, on établit une activité particulièrement importante avec 600 millions d’échanges en une seule séance (soit trois fois l’activité du mois précédent). Bref, cette crise est exceptionnelle par son ampleur. 

On peut établir de quatre principales causes à cette crise : 

  • Depuis la fin des années 70, l’endettement global est multiplié par deux. En effet, l’endettement se matérialise par un afflux énorme de liquidité, qui se déverse ensuite sur les marchés. Si bien que l’indice du Dow Jones a grimpé de 200% entre 1982-1987.
  • Depuis mars 1973 et les accords de Jamaïque de 1976, le système monétaire est flottant. À ses débuts, ce système ne parvient pas à se stabiliser, si bien que le dollar connaît de très importantes fluctuations (1979-1985 envolée du dollar décidée par Volcker pour battre l’inflation ; 1985-1987 chute du dollar décidée par les accords du Plaza puis du Louvre)
  • Ensuite, le portfolio insurance, créé en 1976 se développe. Il est destiné à réduire les risques mais sa généralisation et sa mauvaise utilisation entraînent un dysfonctionnement du mécanisme.
  • Enfin le système de program trading (programme automatique d’achat et de revente d’actions) a amplifié l’ampleur des cycles. Ils étaient programmés pour vendre automatiquement des actions lorsqu’elles étaient en dessous d’un certain seuil. Si bien qu’une spirale de ventes d’actifs s’est mise en place. 

Comment les acteurs agissent-ils pour retourner la situation ? 

Si effectivement le marché méritait une correction en raison de la hausse des indices boursiers, la Fed a tout fait pour atténuer ce krach et éviter le risque systémique. Contrairement à la crise de 1929, elle injecte abondamment des centaines de milliards de dollars sur le marché. En 3 à 6 mois, on retrouve le niveau d’avant krach. Cette réussite du gouverneur de la Fed, Alan Greenspan, lui vaudra d’être surnommé le « maestro qui sait parler aux oreilles des marchés ».

Ainsi, ce krach n’a eu que très peu d’effet sur l’activité réelle, et couronne l’interventionnisme des banques centrales. Il montre également l’interdépendance des trois marchés que sont celui des changes, des taux d’intérêt et des actions. Le moindre mouvement dans l’un des trois se propage rapidement aux autres.  

Krach japonais de 1990

Le Japon est le pays de référence dans les années 80. Il obtient de très bons résultats avec une croissance de 4%/an, des excédents commerciaux constants et importants, une inflation maîtrisée, et quasiment pas de chômage. On appelle cette période « le miracle économique japonais ».

La préparation de la bulle

La capitalisation boursière à Tokyo progresse très régulièrement et fortement après 1945. L’indice NIKKEI connaît une multiplication par 3, et le prix de l’immobilier flambe dans les grandes villes. On observe par exemple une hausse de 200% à Tokyo. 

Toutefois, ce dynamisme fait que les grands groupes délaissent les banques pour les marchés financiers afin de se financer. Donc les banques vont se tourner vers une clientèle moins solide, moins solvable telle que les PME, les ménages… 

L’éclatement de la bulle

À la fin des années 80, la Bank of Japan (BoJ) relève ses taux. C’est dans ce contexte de hausse des taux qu’a lieu le krach puisque les ménages les plus endettés sont particulièrement touchés par cette mesure. C’est un krach mou mais durable qui s’installe. L’indice NIKKEI connaît ainsi une baisse de 60% sur 2 ans. Et la bulle immobilière se dégonfle également. 

Les banques voyant la valeur de leurs garanties et de leurs actifs s’effondrer restreignent à leurs tours des crédits. Donc on assiste à un credit crunch qui s’installe durablement. Les créances douteuses s’accumulent, et une déflation des actifs. La population qui se sent plus pauvre consomme beaucoup moins, et la croissance japonaise est bloquée. 

Tout cela alimente la déflation qui se met en place. On a un taux de croissance annuel moyen (TCAM) autour de 1% et l’endettement public progresse, car l’État essaie de sortir le pays du marasme. L’État met effectivement en place un « keynésianisme du béton » avec une politique de grands travaux. Si bien qu’on passe d’un endettement de 50% à 270% en 10 ans. Forte trappe à liquidité. Le NIKKEI va continuer à perdre de la valeur en 1989-2002. Elle se réanime à partir de 2005 avec un essor des X vers les USA et la Chine. 

E-krach et techno-krach de l’an 2000

Le krach de la bulle internet constitue une suite des politiques économiques menées lors du krach d’octobre 1987. Si au départ elle ne touche que les entreprises liées à la bulle internet, elle s’étend petit à petit aux entreprises de plus grandes envergures. 

Une bulle financière incontestable se forme à la fin des années 1990. Par exemple, l’indice du CAC 40 est multiplié par deux entre 1990 et 2000.

Comment cette bulle s’est-elle formée ? 

  • D’abord, la bourse traduit la vitalité des pays développés dont la croissance économique est soutenue dans les pays développés (3-4%). 
  • Cette bulle s’associe ensuite à la nouvelle économie : les valeurs internet et technologiques (téléphone par exemple). Si au départ, ces entreprises de l’internet ont effectivement connu une belle progression de leur profit, au bout d’un moment il y a une déconnexion entre les valeurs réelles et les valeurs boursières. Greenspan, le gouverneur de la FED, parle alors « d’exubérance irrationnelle du marché ». 
  • Enfin, la volatilité sur les marchés va s’accentuer : une même valeur peut augmenter de 15% en une journée et perdre 15% en une journée. La moindre annonce enflamme les cours et les investisseurs sont extrêmement nerveux. 

Il y a sur le marché des conventions d’évaluations. C’est-à-dire qu’on ne sait pas comment estimer la valeur des entreprises internet, puisque ce sont des entreprises d’un type nouveau. On se propose alors d’estimer la valeur des entreprises à partir du nombre de visiteurs (le nombre de clics). Malgré leur manque de chiffre d’affaires, ces nouvelles entreprises sont extrêmement valorisées en bourse. Par exemple, E- Toys est évalué à un tiers de plus que le géant Toys’ rus alors que son chiffre d’affaires était l’équivalent de 3 magasins Toys’rus (qui compte plus 1 000 magasins). 

Le krach en deux temps :

Le NASDAQ avait gagné 85% sur l’année 19999, il gagne encore 20% entre janvier et mars 2000. Si on prend par exemple la base 100 en 1971, il atteint l’indice 1000 en 1995, 2000 en 1998, 3000 en 1999, 5000 en mars 2000. Le krach a lieu en deux temps : 

  • Dès mars 2000, le patron de la Securities and Exchange Commission (SEC), Arthur Levitt, a une phrase restée célèbre, face à la hausse des valeurs substantielle : « on peut se demander si certaines de ces sociétés valent vraiment 1000 fois rien ». Ainsi, aux USA, le krach de mars connaît l’effondrement des valeurs internet et une bonne résistance des valeurs traditionnelles. Si bien que le CAC 40 ne connaît pas vraiment de krach, il atteint, au contraire, son record historique le 4 septembre 2000 avec un indice de 6944 points. 
  • En revanche, en septembre 2000, le krach entraîne les valeurs TMT (technologie, media et télécommunication) et aussi les valeurs traditionnelles dans une descente aux enfers. Les valeurs TMT souffrent alors d’une baisse de 80 à 90%. Néanmoins, des actifs sont également vendus pour les autres entreprises, de sorte que le CAC 40 accuse une baisse 60% de sa valeur sur 2 ans (l’indice passe de 7000 points à 2500 en 2002). Le krach va alors être long, durable et va affecter l’économie réelle. Les faillites se multiplient. Larry Summers déclare à ce propos : « Les marchés peuvent rester illogiques bien plus longtemps que nous ne pouvons rester solvables ».

 

Les conséquences du krach sur l’activité réelle

Ce krach va provoquer une forte dégradation de l’activité réelle pour trois raisons : 

  • Tout d’abord, on peut parler de l’effet de richesse négatif. Il consiste en une chute de la valeur du patrimoine des ménages et des investisseurs qui les dissuade de consommer (on se sent plus pauvre).
  • Ensuite, la baisse de la cote liée à la décapitalisation des groupes (à cause de la baisse de leur valeur sur le marché financier) provoque une baisse de l’investissement des entreprises (car les garanties des entreprises deviennent insuffisantes pour obtenir des bons taux).
  • Enfin, les dégradations des bilans des banques amènent à dégrader les conditions de prêts. L’éclatement de cette bulle affecte donc la confiance des ménages et le climat des affaires.

Conclusion

La Réserve fédérale américaine, afin de permettre aux banques de résister à la crise, abaisse son taux directeur à seulement 1 % dès la fin de l’année 2002. 

Ce krach n’est resté malgré tout que sur la sphère financière et ne s’est pas déversé sur la sphère réelle, les économistes jugeant ce krach comme nécessaire pour corriger les valeurs de la bourse. En France par exemple, on compte même une baisse du chômage. Il passe de 9,8 % en 2000 à 8,7 % en 2002.