Mine de terres rares

Le Moyen-Orient a le pétrole ; la Chine a les terres rares” (Deng Xiaoping en 1992, à une époque où la Chine ne domine pourtant pas encore ce marché). Ces 17 métaux aux propriétés chimiques voisines sont de plus en plus déterminants dans les rapports de force mondiaux. Ces terres rares et autres métaux critiques sont en effet indispensables à de nombreuses technologies, aussi bien liées aux énergies renouvelables qu’aux armes militaires. Au travers d’acteurs et de différentes échelles géographiques, je te propose dans cet article de nombreux exemples pour enrichir tes dissertations !

La Chine, un acteur majeur autour des terres rares

Un état de quasi-monopole à nuancer

D’ici à 2028, la demande mondiale en terres rares serait multipliée par 20. Cela semble donc conforter la position dominante de la Chine. En effet, la Chine est le premier producteur mondial (80%) devant l’Australie, les États-Unis et la Birmanie, ainsi que le pays avec les plus grandes réserves supposées. En 2018, elle a extrait 120 000 tonnes de minerais de terres rares (hors exploitation illégale, laquelle représentait au début des années 2010 40% de la production chinoise). De plus, pour préserver son avantage stratégique national et lutter (en vain) contre la production illégale, la Chine a imposé des quotas d’exportation pendant des années avant que l’OMC n’y mette fin. La puissance chinoise a alors opté pour des licences, une mesure protectionniste déguisée et courante dans la “guerre économique” contemporaine.

Cet état de quasi-monopole est cependant à nuancer. En effet, la Chine est également le premier importateur mondial de minerais de terres rares, notamment pour des raisons géophysiques (la Chine ne dispose pas de tous les minerais sur les 17 éléments de terres rares). Il est intéressant de noter que 80% de ses importations proviennent des États-Unis.

Le désastre environnemental dû à l’exploitation de ces métaux

Les terres rares, paradoxalement, abondent sur Terre. Cependant, il s’agit de minerais dispersés et mélangés. Le processus d’extraction est alors très coûteux. Il est également très coûteux pour l’environnement. L’usine de production chinoise à Baotou consomme 10 millions de tonnes d’eau par an pour fonctionner. De plus, environ 9% de l’énergie primaire mondiale est consacrée à extraire et raffiner les ressources métalliques en général. Tout cela pose la question de la soutenabilité des énergies renouvelables, lesquelles reposent sur des technologies gourmandes de métaux. Par exemple, une éolienne off-shore nécessite une tonne de terres rares pour être produite !

L’Afrique à l’ombre des puissances étrangères

L’Afrique s’en tire moins bien que l’Amérique latine

L’Afrique est très convoitée pour ses réserves en métaux. En comparaison, certains pays d’Amérique latine semblent mieux résister aux influences étrangères. C’est le cas de la Bolivie. Evo Morales a décrété un monopole d’extraction par la firme nationale Comibol (il faut vraiment mobiliser des acteurs variés comme des entreprises dans tes dissertations !) et même l’exploitation publique semble freinée par les populations indiennes pour lesquelles le salar est une terre sacrée. Pour rappel, on parle de triangle du lithium (ce n’est pas une terre rare) avec l’Argentine, la Bolivie et le Chili qui représentent 55% des réserves mondiales connues.

La Russie et la Chine lorgnent sur la République centrafricaine et ses minerais

Concernant l’Afrique, nous pouvons par exemple étudier le cas de la République centrafricaine. La Russie réinvestit l’Afrique depuis quelques années. À son profit, la Russie n’a pas de passé colonial et mise sur les sentiments anti-français comme au Mali et en Centrafrique. Ce regain d’intérêt pour l’Afrique est un exemple du pragmatisme russe davantage que d’un certain néo-impérialisme, d’autant plus que la Russie rappelle souvent son attachement à un ordre mondial multipolaire. Quant à la Chine, face aux critiques occidentales de néo-colonialisme, elle essaye de redorer son image en s’affirmant comme une puissance responsable (en luttant contre la piraterie par exemple). Or, dans ce contexte, les activités russes en Afrique pourraient compromettre la réalisation de certains projets économiques chinois.

En effet, la Russie a signé un accord de défense en 2018 avec la République centrafricaine et y maintient 170 conseillers militaires qui entraînent les militaires locaux, tandis que des mercenaires de la société paramilitaire Wagner assurent la sécurité privée du président Touadéra. La Russie a aussi établi des relations avec des groupes armés dans le sud du pays dont l’existence menace les activités chinoises qui explorent le potentiel pétrolier et en minerais de la région. En réalité, en s’établissant en RCA, Moscou espère se positionner pour l’exploitation des sols riches en minerais.

La région des Grands Lacs : une superposition d’enjeux géopolitiques

À une autre échelle (là encore, il est essentiel de varier les échelles géographiques dans tes dissertations !), les pays africains eux-mêmes s’affrontent autour de l’enjeu des métaux et terres rares. Après le génocide rwandais, des centaines de milliers de Hutus (dont de nombreux ex-génocidaires) se réfugient en République démocratique du Congo et fondent en 2000 les FDLR (Forces démocratiques du libération du Rwanda). L’armée du nouveau président rwandais et tutsi, Paul Kagame, les y pourchasse et aide Laurent-Désiré Kabila à renverser Mobutu en RDC. Dans ce contexte, entre 1998 et 2002, se déroule la Deuxième guerre du Congo (également appelée la “première guerre mondiale africaine”).

Une dizaine de pays africains dont l’Ouganda et le Rwanda profitent du chaos et cherchent à s’emparer des ressources géologiques du Kivu (à l’est de la RDC). En effet, la RDC est souvent qualifiée de “scandale géologique” (J. Cornet pour qualifier le Haut Katanga riche en cuivre). Elle constitue la deuxième réserve mondiale en cuivre , la première en cobalt (50%) et une source importante de terres rares. D’après le rapport “Mapping” de l’ONU, Paul Kagame aurait largement alimenté cette guerre. Cet exemple nous montre bien que le caractère ethnique de certains conflits africains se superpose en réalité aux luttes entre groupes politiques et enjeux géopolitiques régionaux.

Un exemple plus original : le Groenland, riche en terres rares

Donald Trump et le Groenland

En août 2019, Donald Trump affirme vouloir racheter le Groenland au Danemark. Il ne s’agit pas de prétentions sur les hydrocarbures (les États-Unis n’en ont pas besoin ; ils sont redevenus exportateurs nets de pétrole en 2020). En fait, cette décision s’inscrit dans un contexte de guerre commerciale avec Pékin face à la menace d’un embargo chinois sur les exportations de produits à base de lanthanides (terres rares) utilisés par le complexe militaro-industriel américain.

Le quasi-monopole chinois pourrait d’ailleurs s’effriter en raison de l’exploitation de nouveaux gisements de lanthanides autour de Nuuk (Groenland) par deux entreprises australiennes. Sur ce point, je t’invite à creuser la question des tensions entre la Chine et l’Australie en général. De plus, pour le moment, le Groenland n’exploite pas encore beaucoup ses ressources géologiques : 80% des exportations du pays sont issues de la pêche.

La France et l’Union européenne : quel rôle à jouer pour les terres rares ?

L’Union Européenne aurait un rôle à jouer si elle décidait que les terres rares étaient pour elle un enjeu stratégique et si elle s’accordait avec les deux sociétés australiennes. En outre, il n’y a que deux usines de raffinage de terres rares : l’une à Pékin, l’autre à La Rochelle !

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