progrès

Le progrès technique a souvent été assimilé par la classe ouvrière à un danger pour ses emplois. Dès le XIXᵉ siècle, les luddites, aussi connus sous le nom de « briseurs de machines », craignaient de perdre leur emploi suite à l’introduction des machines à tisser dans les manufactures anglaises. À cette même période, Sismondi définit le progrès technique comme un « malheur national ». L’inventeur de la navette volante, John Kay, a dû fuir l’Angleterre à cause des nombreuses révoltes contre son innovation. Mais les innovations représentent-elles toujours un danger pour l’emploi ?

Le progrès technique : destructeur d’emplois à court terme…

Le progrès technique et les innovations, dans un premier temps, peuvent apparaître comme étant destructeurs d’emplois. À ce titre, Rifkin (La Fin du travail, 1995) souligne que l’essor des nouvelles technologies peut potentiellement conduire à la suppression d’un nombre croissant d’emplois. Il considère que c’est désormais le secteur tertiaire (et non plus seulement le secteur primaire) qui est menacé par le progrès technique. Selon lui, « l’informatique et les télécommunications vont détruire des dizaines de millions d’emplois dans les années à venir ».

Empiriquement, l’étude de Frey et Osborne (The future of employment, 2013) permet d’appuyer cette thèse. En effet, en se fondant sur plus de 700 types d’emplois aux États-Unis et dans les PDEM, les auteurs ont constaté que 47 % des emplois seraient menacés par l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, le phénomène d’ubérisation, permis par les nouvelles technologies, constitue également une menace pour l’emploi. Les récentes protestations des taxis qui craignent alors de disparaître face à Uber démontrent bien cela. Dès 2014, Maurice Levy, alors PDG de Publicis, affirmait qu’aujourd’hui « tout le monde a peur de se faire ubériser ».

Ici, les innovations ont également bouleversé les structures de l’emploi en favorisant l’essor d’emplois non salariés et plus précaires. Dès lors, le progrès technique peut s’avérer destructeur d’emplois à court terme et il semble même aujourd’hui renverser les formes de l’emploi.

… mais créateur d’emplois à plus long terme

Toutefois, le progrès technique peut certes faire disparaître certains emplois à court terme, mais uniquement pour en faire émerger des nouveaux par la suite. À ce titre, Sauvy (La Machine et le chômage, 1980), fondateur de la théorie du déversement, soulignait que les gains de productivité dans le secteur primaire allaient certes détruire des emplois, mais tout cela pour en créer des nouveaux dans le secteur industriel. Le progrès technique participe ici alors à l’évolution de la société et permet de passer d’une dominante agraire à une dominante industrielle.

Historiquement, le passage des sociétés agricoles à des sociétés industrielles à la fin du XVIIIᵉ siècle a été permis grâce aux gains de productivité de la révolution agricole. Cette vision plus optimiste peut être renforcée par celle de Schumpeter. Si le progrès technique détruit des emplois à court terme dans le cadre de la « destruction créatrice », il est à terme favorable à l’emploi en augmentant la demande, favorisant ainsi la croissance.

Plus encore, Mokyr (Is technological progress a thing of the past?, 2013) affirme que nous serions à l’aube d’un « point d’inflexion technologique ». C’est-à-dire que les effets de la quatrième révolution industrielle ne vont pas tarder à se manifester et seront à l’origine de nouveaux emplois adaptés aux enjeux du XXIᵉ siècle. Selon lui, il est ainsi encore trop tôt pour percevoir pleinement les effets des NTIC sur la croissance et l’emploi.

De la même manière, pour McAfee (The Second Machine Age, 2014), si le progrès technique apparaît aujourd’hui comme un danger, c’est uniquement parce qu’il n’a pas encore développé ses pleines potentialités. Il devrait générer à terme des effets positifs sur l’emploi. Le progrès technique n’est donc pas nécessairement source de chômage, dès lors qu’il peut faire émerger de nouveaux emplois en favorisant la croissance.

Conclusion

En somme, le progrès technique peut certes être destructeur d’emplois à court terme et modifier la structure de l’emploi, mais il est également une formidable opportunité pour relancer la demande et la croissance. Ce qui favorise l’emploi à terme. Ainsi, si le progrès technique détruit certains emplois devenus obsolètes, il en fait émerger des nouveaux plus qualitatifs. L’enjeu est alors de former les travailleurs à ces nouveaux emplois, d’augmenter leur capital humain afin de les rendre complémentaires à la nouvelle technologie en développement.

C’est notamment cette orientation que défendent Aghion, Cette et Cohen (Changer de modèle !, 2014) lorsqu’ils préconisent à l’État français d’accroître ses efforts de formation pour former les travailleurs aux nouveaux enjeux technologiques du XXIᵉ siècle.