BRIC

L’économiste Jim O’Neill a inventé le concept de BRIC en 2001 pour désigner les pays (Brésil, Russie, Inde et Chine) susceptibles de contester et de déstabiliser le leadership occidental. Ces pays sont responsables de 30 % de la croissance économique mondiale actuelle, contre 10 % en 1990. Néanmoins, croissance économique ne va pas forcément de pair avec développement. Leur IDH se situe entre 0,7 et 0,8. Il est donc relativement élevé, mais pas autant que les pays occidentaux. Les BRIC ont-ils su bénéficier de leur croissance économique pour se développer ?

Un essor prometteur…

Les BRIC ont des caractéristiques encourageantes

Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine sont des grands pays. À eux seuls, ils recouvrent un quart de la surface terrestre et regroupent 40 % de la population. Ceci est un avantage concurrentiel pour ces pays émergents. En effet, du côté de la demande, ils peuvent bénéficier d’un marché intérieur potentiel conséquent. Du côté de l’offre, le facteur de production de travail est abondant. La main-d’œuvre est donc bon marché et constitue un avantage comparatif pour ses pays. En effet, selon le modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson (1941), ces pays auraient intérêt à se spécialiser dans la production et l’exportation de biens incorporant de façon intensive le facteur travail. L’individu étant au centre de la construction d’un modèle économique, cette population est une aubaine pour les BRIC.

Les BRIC disposent de nombreuses ressources naturelles

Ce sont des éléments incontournables pour le développement d’un pays. Le Brésil est le quatrième agro-exportateur mondial et la Chine produit près de 50 % de la production mondiale d’acier. La production d’hydrocarbure représente plus de 25 % du PIB russe. L’Inde a la quatrième réserve de charbon la plus grande du monde. L’exploitation de ces ressources naturelles leur a permis de démarrer une phase de croissance importante. De 2000 à 2010, le taux de croissance économique des BRIC est cinq fois supérieur à celui de la décennie précédente. Or, c’est pendant cette période qu’a lieu le supercycle des matières premières.

Ces pays dominaient le monde dans le passé

Selon Maddison en 2001 (L’Économie mondiale : une perspective millénaire), le PIB des BRIC représentait 55 % du PIB mondial en 1820. L’humiliation d’avoir perdu cette position dominante motive leur ambition de contester l’hégémonie occidentale. En Inde et en Chine, le rattrapage commence à partir des années 1970. Il est un peu plus tardif pour le Brésil et la Russie, car ils connaissent des turbulences économiques dues à l’inflation dans les années 1990. Les flux de capitaux, les NTIC et les réformes économiques internes ont permis l’accélération de la croissance économique. Cependant, les BRIC ne sont toujours pas arrivés au stade d’économies développées.

… freiné par des stratégies de développement parfois non concluantes

Les BRIC sont devenus de grandes puissances économiques, mais ne sont toujours pas des pays riches

Le PIB de la Chine a certes dépassé celui du Japon en 2010, mais son PIB par habitant est toujours bien inférieur. Le niveau de vie moyen au Japon est de 40 000 $ par an, alors que le niveau de vie moyen chinois est de 10 000 $ par an. La forte pression démographique réduit le niveau de vie des BRIC. Les pays n’ont pas su tirer profit de ce marché intérieur conséquent. La demande intérieure est faible. La consommation finale représente 36 % du PIB brésilien, 35 % du PIB chinois et 16 % du PIB indien. Le taux d’investissement en Russie et au Brésil est inférieur à 25 %, taux nécessaire au développement selon Rostow (The stages of economic growth, 1960).

Malgré leur fort taux de croissance économique, les BRIC ont du mal à devenir des économies développées

Le poids du PIB russe et brésilien dans l’économie mondiale est revenu à son niveau de 2001. Ces pays ont souffert de la malédiction des matières premières (théorie de R. Auty en 1990). Ils ont exploité leurs ressources naturelles qui étaient d’emblée rentables. Ces ressources ont attiré tous les capitaux, alors qu’elles ont de faibles effets d’entraînement sur l’économie. Les économies ne se sont pas diversifiées. Lorsque les cours varient, le PIB aussi. De 1998 à 2008, le taux de croissance annuel moyen du PIB russe était de 7 %. La Russie a bénéficié du « supercycle des matières premières ». Néanmoins, dès la crise de 2008, les cours d’hydrocarbures ont chuté et la Bourse de Moscou a plongé de 70 %. L’économie dans son ensemble a été bouleversée.

Les pays d’Amérique latine (donc le Brésil) ont effectué une industrialisation par substitution aux importations. Le but était de se libérer du commerce international en substituant progressivement la production nationale aux importations. Politiques protectionnistes, réformes agraires et investissements sont mis en place pour dynamiser la production. Cependant, les politiques protectionnistes ne confrontent pas les producteurs à la réalité du commerce international. Ils sont peu productifs face à la concurrence extérieure, les exportations ont donc stagné mais les importations n’ont pas cessé notamment à cause des besoins de transfert de technologie.

L’Inde est l’exemple d’un modèle de développement sans industrialisation. Son PIB représente 3 % du PIB mondial. Avec ses 1,3 milliard d’habitants, le prix du travail est faible. Pour se démarquer de la Chine à la pointe technologiquement, l’Inde a privilégié l’essor du secteur tertiaire. Le pays est le premier exportateur de services du monde. Il est facile pour l’Inde d’avoir une forte croissance grâce à sa population. Néanmoins, les services ne sont pas suffisamment pourvoyeurs d’emplois et la classe moyenne n’émerge toujours pas. Seulement 20 % de sa population travaille dans le secteur secondaire ; or, c’est le secteur ayant le plus d’effets d’entraînement.

La Chine : le bon élève?

Drapeau de la Chine

La Chine est aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale

Elle compte bien détrôner les États-Unis de leur première place. Sa stratégie de développement est basée sur une industrialisation par substitution aux exportations. Sa croissance est extravertie (de 1979 à 2013, le taux de croissance des exportations était de 17 % par an) et déséquilibrée (certains secteurs captent la majorité des investissements). Le gouvernement chinois a ciblé l’industrie pour se constituer un avantage comparatif.

La Chine s’est ouverte peu à peu au commerce international

Elle laisse les entreprises des pays occidentaux s’installer dans ses ZES ou ses villes côtières. Les entreprises profitent de la main-d’œuvre bon marché de la Chine pendant que la Chine opère un transfert de technologie avec celles-ci. Sa main-d’œuvre se forme et les technologies se diffusent en Chine puis dans toute l’Asie (cf. le modèle du vol d’oies sauvages de K. Akamatsu en 1962). La Chine monte progressivement en gamme.

Les institutions chinoises s’adaptent à cette transformation économique. Or, selon D. Rodrik et A. Subramanian en 2003, les institutions sont la clé du développement économique. Pour assurer la confiance de ses investisseurs, la Chine a mis en place des institutions permettant de préserver les droits de propriété et de respecter les contrats. Elle intègre l’OMC en 2001 et diminue ses barrières protectionnistes. La Chine a attiré 163 milliards de dollars d’IDE en 2020.

Néanmoins, la Chine est toujours un pays à revenu moyen

Même si le taux de pauvreté est presque nul, les inégalités ont fortement augmenté. Le coefficient de Gini s’élève à 0,37. Le niveau de vie par habitant est faible (10 000 $ par an). Le stock de capital technologique chinois est deux fois plus faible que celui du Japon. La demande intérieure chinoise est faible et le taux d’épargne est très élevé (50 % du PIB). Pour continuer sur sa lancée, la Chine devra dynamiser son marché intérieur et ne pas compter que sur ses exportations de biens et services. Pour éviter de tomber dans le piège du revenu intermédiaire, le gouvernement a lancé un plan quinquennal pour relancer la demande intérieure. Il s’appuie sur le développement de nouvelles infrastructures, soutenu par les réseaux d’information et l’innovation technologique.