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Aujourd’hui, je te propose de t’interroger sur les avantages d’une accentuation des échanges commerciaux entre pays et sur l’intérêt d’un pays, que celui-ci soit un PMA, un PED plus avancé ou encore un PDEM, à accentuer son insertion dans le commerce international.

Pourquoi s’intéresser à ce sujet ?

L’actualité a tendance à se concentrer sur les bienfaits de la mondialisation et des échanges commerciaux. En 2020, par exemple, les échanges commerciaux avec l’Australie ont permis à la France de dégager un excédent de deux milliards d’euros. 

En ce qui concerne les PMA et les autres PED, nous avons l’exemple du Bangladesh, ancien PMA, qui connaît une croissance exponentielle de plus de 6 % depuis quelques années. Ceci lui a permis de sortir de la classification des PMA, grâce à un taux d’ouverture qui a été multiplié par trois.

Mais, qu’est-ce que le taux d’ouverture ? 

C’est l’indicateur du niveau d’insertion dans les échanges internationaux. Le taux d’ouverture est la moyenne des importations et exportations rapportée au PIB. Il est actuellement d’environ 40 % pour les PED et 25 % pour les PDEM. 

Les échanges commerciaux sont bénéfiques pour un grand nombre de pays

L’idée remonte aux théories pour le libre-échange, à commencer par la théorie de l’avantage absolu d’Adam Smith, développée dans son ouvrage La Richesse des nations, publié en 1776. En effet, si un pays B peut fournir une marchandise à meilleur prix que le pays A, alors il vaut mieux que le pays A lui achète cette marchandise et lui vende une autre marchandise où le pays A possède un coût de production plus faible que l’autre pays.

Cette idée est reprise et améliorée par la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo datant de 1817 et théorisée dans Des principes d’économie politique et de l’impôt. Dans cette théorie, il faut se spécialiser dans les produits dans lesquels le pays est relativement le plus productif en laissant aux autres pays les autres activités. Même si le pays est plus productif dans toutes les activités que les autres pays, celui-ci doit se spécialiser, car toute économie dispose de ressources limitées, ce qui limite sa production. De plus, l’accentuation des échanges commerciaux est facteur de paix, car ils créent une interdépendance entre les pays (thèse du « doux commerce » de Montesquieu).

Le modèle HOS

Le modèle HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson) estime également que les échanges commerciaux sont nécessaires pour tout développement de pays. Effectivement, les pays sont supposés ne pas avoir les mêmes dotations factorielles et n’ont donc pas les mêmes coûts relatifs de production. Les facteurs de production étant substituables, les pays les utilisent en fonction des coûts relatifs. Ainsi, si un pays dispose en abondance d’un facteur, son coût relatif sera faible. Il se spécialisera donc dans le produit intensif en ce facteur et importera le produit intensif en l’autre facteur, d’où la spécialisation selon la dotation factorielle. Une vérification empirique existe à cette théorie. C’est la spécialisation des PDEM dans la production de biens et/ou services fortement intensifs en main-d’œuvre qualifiée.

Nous voyons donc que l’avantage des échanges commerciaux réside surtout dans la production de biens vendus à prix faible et dans la création d’une interdépendance des pays qui maintient une stabilité mondiale à la fois politique, mais aussi économique.

C’est d’ailleurs l’étude de Sachs et Warner datant de 1995 qui constate une corrélation entre la croissance d’un pays et l’ouverture de celui-ci face aux échanges commerciaux. Sur la base d’un indice d’ouverture reposant sur plusieurs critères, comme l’importance des obstacles non tarifaires ou encore les taux moyens de droits de douane. Tous les pays ouverts ont connu, sur la période 1970-1995, une croissance supérieure à celle des pays fermés.

Actuellement, des pays comme le Kenya ou encore le Soudan, avec un taux d’ouverture inférieur à 10 %, sont largement mis à l’écart de la mondialisation et ne connaissent quasiment aucun développement économique, d’où l’intérêt d’augmenter les échanges commerciaux.

Tout de même, une forte insertion dans les échanges commerciaux n’a-t-elle pas de limite ?

Pour les PED, les échanges commerciaux représentent deux limites : fragilité des entreprises nationales face à la concurrence internationale et mauvaise nature d’insertion dans les échanges. En effet, les PED qui s’ouvrent n’ont pas d’entreprises de taille à rivaliser avec la concurrence étrangère. Lorsqu’elles s’implantent, celles-ci captent l’essentiel des marchés au détriment des opérateurs nationaux et parfois de secteurs entiers de l’économie. De plus, les importations peuvent étouffer la production locale.

En ce qui concerne la mauvaise nature d’insertion, nous pouvons faire référence à la trappe à revenu intermédiaire observée dans les PED depuis les années 1960. Une fois que les pays atteignent un niveau de revenu intermédiaire, les ressources rurales en main-d’œuvre se tarissent et les salaires commencent à s’élever, ce qui érode la compétitivité des produits intensifs en main-d’œuvre sur les marchés étrangers. La croissance de la productivité qui avait été initialement impulsée par une spécialisation dans ces produits est épuisée. Pour poursuivre la hausse du niveau de vie, les pays doivent connaître un glissement de leurs avantages comparatifs (Rybczynski) et changer de spécialisation en se tournant vers des activités à plus forte valeur ajoutée. Ceci s’avère être une tâche difficile, car une fois la spécialisation faite, il est difficile d’en changer. 

Quel est l’impact de la spécialisation sur la répartition des revenus des facteurs

Wolfgang Stolper et Paul Samuelson ont aussi étudié l’impact de la spécialisation sur la répartition des revenus des facteurs. Le théorème Stolper-Samuelson (1941) montre que l’ouverture internationale accroît la demande du bien intensif dans le facteur présent abondamment dans l’économie (cf. modèle HOS) et accroît donc la demande de ce facteur. Ce qui augmente sa rémunération relative. Ils constatent ainsi une augmentation forte des inégalités dans un grand nombre de pays qui peuvent nuire à la croissance et mettre en péril la cohésion sociale, du fait de l’effet d’amplification de Jones.

Selon celui-ci, la hausse de la rémunération des travailleurs qualifiés est supérieure à l’augmentation du prix du bien de plus en plus demandé, qui est intensif en travail qualifié. Ce résultat permet donc d’expliquer la montée des inégalités dans les pays développés, au motif que ces derniers se spécialisent dans des secteurs intensifs en capital et en travail qualifié. Ainsi, ont été observées une baisse absolue des salaires réels des travailleurs non qualifiés aux États-Unis depuis les années 1990 et une forte augmentation de la rémunération des plus qualifiés.

Dans cette optique, Paul Samuelson va continuer à remettre en question les bienfaits des échanges commerciaux. Ainsi, en 2004, il remet en cause les gains systématiques à l’échange en donnant l’exemple de deux pays : les États-Unis et la Chine. En effet, la Chine dérobe petit à petit l’avantage comparatif des États-Unis, ce qui a un impact positif sur l’économie de la Chine, mais met en difficulté les États-Unis qui doivent chercher d’autres moyens pour faire marcher leur économie… Avoir un avantage, qu’il soit absolu ou relatif, n’est donc jamais un avantage à vie et une garantie de croissance pérenne.