Croissance économique: auteurs, définitions

La croissance économique est un chapitre incontournable du programme de ECT, il est d’ailleurs tombé en 2019 à la BCE: voilà le sujet. Il est donc nécessaire d’être très au point sur les définitions et les auteurs, mais aussi sur les problématiques liées à la notion de croissance économique. Ce chapitre sera évidemment à mettre en relation avec tous les autres !

Pour y jeter un œil : Pensée économique ; Histoire de la France

Définitions

Croissance économique : pour François Perroux (L’économie du XXe siècle, 1966), la croissance économique correspond à l’« augmentation soutenue pendant une ou plusieurs longues périodes d’un indicateur de dimension ; pour une nation : le produit global brut ou net en termes réels ».

Croissance extensive : croissance reposant sur l’augmentation de la quantité des facteurs de production.

Croissance intensive : croissance reposant sur une meilleure utilisation des facteurs de production. Attention à ne pas confondre croissance et développement : le développement est qualitatif, quand la croissance est quantitative !

 Les grandes périodes de croissance économique

Selon les chiffres d’Angus Maddison (L’économie mondiale, une perspective millénaire, 2001), il y a eu quatre périodes :

La période agraire, entre l’an 500 et l’an 1500, où le TCAM était de 0 %.

La période agraire progressive, entre 1500 et 1700, où le TCAM était de 0,2 %.

Le capitalisme commercial, entre 1700 et 1820, avec un TCAM de 0,6 %.

Le capitalisme industriel, entre 1820 et 1980, avec un TCAM de 2,5 %.

Ces périodes sont marquées par de fortes phases de croissance (première et deuxième révolutions industrielles, les « années folles » et bien évidemment les fameuses Trente Glorieuses).

La révolution industrielle correspond à la première réelle phase de croissance dans l’histoire du capitalisme. Se développent à cette période le salariat, les manufactures, le commerce international… Mais la croissance du XIXe siècle est jalonnée de crises, et en cela, est extrêmement cyclique.

Les Trente Glorieuses succèdent à la crise majeure du capitalisme, celle de 1929. En France, c’est une période très prospère avec un TCAM de 5 %, un taux de chômage qui avoisine les 3 % (plein emploi), une dette publique qui est maîtrisée sous les 20 % du PIB, mais au prix d’une inflation relativement soutenue, 7-8 % avec des pics à 15 %.

Les théories de la croissance économique

L’origine de la croissance économique

La richesse des nations selon Adam Smith (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776) : pour lui, elle provient essentiellement de la division du travail, de l’ouverture internationale (cf. avantages absolus) et de l’épargne (l’épargne permettant l’accumulation de capital, préalable à l’investissement et de facto à la création de manufactures).

La loi des débouchés selon Jean-Baptiste Say (Traité d’économie politique, 1803) : toute offre crée sa propre demande et donc les crises durables ne peuvent pas exister. Une crise ne peut-être qu’éphémère et s’explique alors par un simple engorgement sectoriel. Il est donc très optimiste vis-à-vis de la capacité du capitalisme à s’inscrire dans une croissance durable et prospère.

La notion d’équilibre général chez Léon Walras (Éléments d’économie politique pure, 1874) : les marchés s’autorégulent grâce au processus de tâtonnement, c’est-à-dire que l’offre va rencontrer la demande au prix d’équilibre (permettant un surplus aussi bien au producteur qu’au consommateur), notamment grâce à la figure théorique qu’est le commissaire-priseur.

Bloch estime que la croissance liée à la première révolution industrielle s’explique surtout par le développement de l’« individualisme agraire », concept qui désigne un changement de mentalités dans les campagnes : avec la fin de la société d’Ancien Régime, les exploitants considèrent de plus en plus leurs terres comme un capital dont ils peuvent tirer profit.

North et Fogel mettent quant à eux l’accent sur le rôle des institutions. En effet : selon eux, la croissance s’explique bien plus par les changements institutionnels que par les innovations techniques. Parmi ces changements institutionnels, le développement de la propriété privée a joué un rôle majeur. Polanyi (La Grande transformation, 1944) montre que c’est en effet le développement de la propriété privée en Angleterre qui a permis une rationalisation du monde agricole, facteur de croissance. De même, aux États-Unis, le Homestead Act de 1862 permet aux colons partis à la fameuse « conquête de l’Ouest » d’être propriétaires de leurs terres.

Le rôle de l’action conjoncturelle selon Keynes (Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936) : selon lui, il est du ressort de l’État de chercher à « maintenir l’économie dans une situation de boom permanent ». Le facteur principal à l’origine de la croissance est, comme on l’a vu précédemment, la demande, et plus précisément la demande effective. De fait, Keynes dégage trois nouveaux facteurs de croissance : la redistribution (qui permet d’augmenter le pouvoir d’achat d’un certain nombre de ménages), l’action publique et l’investissement. Dans la perspective keynésienne, il faut que la répartition primaire se fasse en faveur des salaires et que les revenus de transfert complètent les salaires eux-mêmes pour renforcer le pouvoir d’achat et le niveau de consommation des ménages. Donc pour cet auteur, la redistribution est à l’origine de la croissance, tandis que des inégalités trop importantes nuisent à la croissance, car elles impliquent un excès d’épargne.

La critique de la croissance économique

Richard Layard (Le prix du bonheur, 2007) estime qu’au cours des deux derniers siècles, l’augmentation de la croissance et des revenus n’a pas entraîné une hausse du bonheur. Pour lui, si l’augmentation des revenus peut entraîner une augmentation du bonheur, cette relation est limitée. Dès lors, faut-il encore chercher la croissance à tout prix ? C’est en tout cas la question qui se pose à partir des années 1970, et surtout avec le Rapport Meadows de 1972 intitulé « Halte à la croissance », qui met en évidence que la terre a des limites physiques qui freineront inéluctablement la croissance : dans un monde fini, la croissance infinie est impossible. Les auteurs de ce rapport appellent donc à rechercher une croissance zéro.

Nicholas Georgescu-Roegen (La loi de l’entropie et le processus économique, 1983) va encore plus loin puisqu’il théorise la décroissance en expliquant qu’il faut chercher le bonheur et non pas l’accumulation de richesses.

 Les limites de la croissance économique

La théorie de l’état stationnaire chez Ricardo : l’augmentation de la population va se traduire par une hausse du prix des biens de subsistance, car selon l’auteur, il existe des rendements décroissants de la terre. En effet, les meilleures terres étant déjà mises en culture, les nouvelles terres qui seront cultivées ne pourront être que moins fertiles que les terres existantes. De fait, l’homme met en culture de plus en plus de terres qui sont de moins en moins rentables. Or, pour chacune de ces terres, il faut payer une rente foncière. Le prix des denrées agricoles est donc de plus en plus élevé au fur et à mesure que l’on met en culture des terres moins fertiles, puisque les producteurs doivent payer une rente fixe pour des terres toujours moins rentables. Cela aboutit donc in fine à une augmentation du prix des biens alimentaires, et donc du salaire de l’ouvrier puisque l’ouvrier bénéficie d’un salaire de subsistance. Cela ne peut donc conduire qu’à une baisse du profit de l’entrepreneur et de facto de son investissement. L’investissement étant pour les « classiques » au fondement de la croissance, cette situation va donc à terme freiner la croissance et mener l’économie à l’état stationnaire.

Dans la lignée de la pensée de Ricardo, Malthus (Essai sur le principe de population, 1798) annonce la venue d’une véritable catastrophe alimentaire du fait de la discordance entre la progression géométrique de la population et la progression arithmétique des subsistances. À long terme, la Terre n’aura plus suffisamment de ressources pour nourrir l’humanité et cela devrait déboucher sur une immense famine.

Enfin, on peut évoquer le célèbre modèle de Solow (A Contribution to the Theory of Growth, 1956) dont la principale conclusion est que la productivité marginale du capital est décroissante. Autrement dit, à mesure que l’on accumule du capital, la rentabilité marginale du capital (i.e. pour une unité supplémentaire) ralentit au point de devenir nulle.

La théorie de la stagnation séculaire : cette théorie est à l’origine celle proposée par Hansen (Economic Progress and Declining Population Growth, 1939). Il affirme notamment que les économies sont condamnées à voir la croissance économique s’arrêter du fait du ralentissement du progrès technique et de la croissance démographique. En effet, une telle tendance conduit les entrepreneurs à anticiper une faible rentabilité, et ils sont donc de moins en moins incités à investir. Summers reprend en 2013 cette théorie, en montrant que les États-Unis sont depuis plusieurs années dans cette situation, mais que la FED a réussi à le dissimuler aux yeux des individus grâce à sa politique monétaire expansive, qui a artificiellement créé de la croissance. Enfin, Gordon (Is U.S. Economic growth over?, 2012) estime que la stagnation séculaire surviendra plutôt en raison du ralentissement des gains de productivité issus de la révolution des TIC dans les années 1990. Au cours des dix dernières années, les gains de productivité sont en moyenne d’à peine + 1,5 % par an aux États-Unis, ce qui semble confirmer les propos de Gordon. Le potentiel de croissance américain semble donc à bout de souffle.

Une nouvelle ère de croissance inédite à venir ?

D’autres économistes, comme Mokyr (Secular stagnation? Not in your life, 2014), envisagent au contraire l’idée selon laquelle les conséquences économiques des progrès technologiques actuels (intelligence artificielle…) vont propulser l’économie dans une phase de croissance inédite.

De la même façon, Brynjolfsson et McAfee, reprenant le célèbre mythe de l’échiquier, estiment qu’en termes de progrès technologiques nous venons à peine de rentrer dans la seconde moitié de l’échiquier, et que cela va avoir des conséquences inédites en termes de gain de croissance.

Vers une croissance économique plus verte

Vous devrez malheureusement patienter, puisque cette dernière sous-partie fera en fait l’objet d’un chapitre entier qui arrivera sous peu 😉